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tableau enchanteur de l’Angleterre répartie entre sept ou huit parlemens régionaux, au-dessus desquels s’élèverait le grand Parlement impérial. Comme je l’ai dit, l’idée est dans l’air, elle répond à certains besoins de l’esprit nouveau. Il y a des home rulers en Ecosse, il y en a aussi dans le pays de Galles et ailleurs encore, mais ils ne sont pas tous pleinement consciens de leur particularisme. Ce discours a causé une certaine surprise. Quelqu’un a trouvé un de ces mots de journaliste qui peuvent tuer l’idée dans l’œuf : « Mais c’est l’Heptarchie saxonne ! Nous retournons plus haut que le règne d’Alfred ! » Si bien que le gouvernement, interpellé, a dû se déclarer complètement étranger aux fantaisies constitutionnelles de M. Winston Churchill, et le ballon d’essai, lancé à Dundee, s’est perdu dans les brumes polaires.

Depuis ce jour-là, le ministre de l’Intérieur est demeuré silencieux.


V

Dans le Parlement, la discussion du bill avait été un peu vague et déclamatoire. Comme il arrive souvent à cette période d’un grand débat, les orateurs, parlant par les fenêtres ouvertes, avaient l’air de s’adresser au public plutôt qu’à leurs collègues. On attendait mieux de la discussion des articles, et l’on rappelait à ce sujet la mémorable bataille de 1893 où M. Balfour s’était signalé par sa présence d’esprit, par son infatigable activité et où le vieux Gladstone, toujours sur la brèche, ne laissait jamais une objection sans réponse, même quand elle venait d’un débutant inconnu ou d’un vétéran sans autorité. Si l’on espérait le retour de ces luttes homériques, on a été déçu, car la comparaison entre 1893 et 1912 est loin de tourner à l’avantage du présent.

A quoi cela tient-il ?

Il faut d’abord reconnaître que le gouvernement actuel a fait tout ce qui était en son pouvoir pour restreindre et étrangler les débats. Gladstone avait déjà les mêmes moyens à sa disposition, mais il en usait plus discrètement. Cette fois, M. Asquith a vraiment dépassé la mesure. Jamais le « kangouroo » n’a sauté par-dessus les amendemens avec plus d’élan, jamais la guillotine ministérielle n’est tombée plus tranchante et plus impitoyable