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périodes d’annexion à la France et à la Hollande, qui précédèrent une autonomie enfin conquise, achèvent de démontrer la réalité d’une vitalité nationale. Car ce que, de notre côté, on considéra comme de véritables vexations ne fut, sans doute, que l’incompréhension foncière de notre originalité traditionnelle et active.


IV

Le peuple belge est, en effet, difficile à gouverner et ne peut l’être que par lui-même, que par des hommes sortis de lui, possédant un contact sans cesse renouvelé avec le tempérament national. Tout le passé de nos provinces indique ce minimum de caractères communs que nous venons de dégager trop brièvement, mais qui ne sont pas pour faciliter l’unité de gouvernement. Ce que le Flamand ou le Wallon, ce que le citoyen de Liège, de Gand ou de Bruges, ce que l’homme de métier, le bourgeois, le représentant du clergé ou de la noblesse consentaient à accepter dans la sphère restreinte de la province ou de la commune, parce qu’en définitive cela leur apparaissait comme une sorte de compromis entre leurs revendications individuelles, leur force sociale et la réalité moyenne, il fallait l’étendre désormais à tout le pays. Cela ne pouvait se faire qu’au prix de beaucoup de simplicité.

Aussi, après la joie universelle de l’autonomie conquise en 1830, les ambitions de la Belgique furent modestes, les lois modérées, les institutions élaborées dans le plus large esprit de liberté individuelle et collective.

Ge n’est point, en effet, à des théoriciens de génie, à des idéologues supérieurs qu’il faut faire remonter le mérite d’une constitution, considérée, tout au moins pour le moment où elle fut érigée, comme la plus libérale du monde. Y voir le prolongement d’une influence française, importée chez nous par la rapide et cruelle campagne de 1793, est fort mal connaître l’histoire des provinces belges et sa répercussion dans le cœur du peuple. En réalité, les constituans de 1830, s’ils ne dissimulaient point leurs sympathies françaises (et c’était pour eux un devoir impérieux de gratitude), avaient surtout les yeux fixés sur ceux pour qui ils légiféraient. En dépit d’une certaine grandiloquence