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sulfureux et d’oxygène, sans être altéré le moins du monde. Il a donc agi uniquement par sa présence ; c’est ce genre d’actions qu’ont certains corps, de favoriser, par leur seule présence, des réactions chimiques qui les laissent d’ailleurs parfaitement indemnes, c’est cela qu’on appelle les actions catalytiques, et les corps doués de ce pouvoir mystérieux sont les catalyseurs.

On a donné un si grand nombre d’explications théoriques contradictoires de la catalyse qu’il y a beaucoup de chances pour qu’aucune ne soit bonne, et il est inutile de les exposer ici. Mais la chose subsiste ; et elle prend dans la pratique une importance de plus en plus grande. C’est ainsi, et pour citer un exemple, que, dans la préparation industrielle de l’acide sulfurique, le procédé catalytique que nous venons de décrire tend de plus en plus à se substituer partout à l’ancienne et compliquée méthode des « chambres de plomb. » De même on fabrique aujourd’hui le chlore en décomposant l’acide chlorhydrique gazeux par l’oxygène de l’air en présence de l’oxyde de cuivre agissant comme catalyseur. On pourrait multiplier les exemples.

C’est également par des procédés physiques que l’on a réussi depuis peu à résoudre une des questions les plus angoissantes qui soient pour l’avenir de l’humanité : la fabrication des engrais azotés. On sait que les nitrates, qui sont des composés oxygénés de l’azote, sont chargés de restituer au sol une partie de l’azote qui lui est enlevé par les récoltes. Or les mines de nitrate de soude du Chih et du Pérou, non seulement ne peuvent plus suffire à la consommation de l’agriculture mondiale, mais elles sont menacées d’être épuisées à bref délai. Tandis que le Chili fournissait annuellement 15 000 tonnes de nitrate en 1840 » il en exporte aujourd’hui un million et demi de tonnes, soit cent fois plus. La France en reçoit annuellement 250 000 tonnes à elle seule. Sir William Crookes estime que l’épuisement sera atteint d’ici une vingtaine d’années. Il fallait trouver des ressources nouvelles et suffisamment économiques. C’est l’air qui les a fournies.

J’ai exposé, ici même, le procédé qui consiste à extraire de l’air liquide l’azote chimiquement pur, et à le transformer en cyanamide ou chaux-azote que les fermens du sol transforment directement en produits nitriques. Un autre procédé, qui a dès maintenant un vaste développement, consiste à combiner directement entre eux l’azote et l’oxygène de l’air par l’étincelle électrique. Réalisée dès 1781 par Cavendish, cette réaction fournissait des quantités tellement faibles d’acide azotique qu’elle tomba dans l’oubli, pour n’être reprise que depuis quelque dix ans. On remarqua d’abord que le rendement en