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dans le langage le plus élevé, de la situation internationale de la France et de la nécessité de la maintenir grande et forte dans l’intérêt de la paix et de la civilisation. Il a trouvé quelques-uns de ces mots qui, partis du cœur de l’orateur, vont à celui de l’auditoire et l’impressionnent vivement ; mais les radicaux-socialistes ne voulaient pas être impressionnés ; ils ont laissé cette faiblesse à la majorité de la Chambre et au pays. Peu importe. Le Message de M. Poincaré restera comme l’expression d’une politique de réforme prudente au dedans, de conciliation et de fermeté au dehors : cette politique sera celle du septennat qui commence.

Pour le moment, si nous faisons abstraction de la réforme électorale qui est l’objet de tant de passions diverses dans le monde parlementaire, c’est surtout et presque exclusivement la politique extérieure qui préoccupe les esprits. Il est devenu impossible de rester à rêver sur les rives des « mares stagnantes, » alors qu’une partie de l’Europe est en feu, que deux grandes puissances ont fait l’une à l’encontre de l’autre des armemens imposans et qu’une troisième, notre voisine de l’Est, s’apprête à refondre ses lois militaires pour augmenter dans des proportions redoutables la force numérique de son armée de première ligne et de premier choc. Ces projets de l’Allemagne ont été précédés de discours importans prononcés par l’Empereur lui-même et par le chancelier de l’Empire, discours qui avaient pour objet de réveiller, d’échauffer le sentiment public et de le préparer à de grands sacrifices. Il semble, à entendre ces paroles enflammées, que l’heure soit grave et que l’Allemagne doive prendre des décisions rapides en vue de renforcer son armée de terre, même au prix d’un ralentissement provisoire dans le renforcement de l’armée de mer. Nous avons dit un mot, il y a quinze jours, de ce dernier côté de la situation. Après avoir arrêté ses résolutions, l’Allemagne les a fait connaître dans une forme habilement combinée pour exercer une influence apaisante sur l’opinion britannique en éloignant d’elle, jusqu’à un horizon lointain, le danger dont elle a été le plus vivement préoccupée depuis plusieurs années. Donc ralentissement dans les armemens maritimes, augmentation, accélération dans les armemens continentaux. Quelle sera l’importance exacte de ces derniers, c’est ce que nous ne saurions dire avant de connaître les projets eux-mêmes ; mais, de l’aveu de tous les hommes compétens, il semble bien que la force militaire de l’armée active doive être augmentée en Allemagne d’environ 200 000 hommes et portée, dans un bref délai, au chiffre de 850 000 en temps de paix. C’est l’effort le plus considérable qui ait jamais été fait :