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prenant parmi les quatre différentes classes d’années d’études, auxquels seraient adjoints plusieurs jeunes professeurs. Le premier obstacle que rencontra le projet, et c’en était un formidable, fut la résistance organisée d’une douzaine de richissimes clubs retranchés dans des immeubles évalués à 50 millions de francs : leurs propriétaires étaient les élèves et les anciens élèves. Ces luxueux bâtimens logeaient environ 350 étudians favorisés et laissaient les autres s’arranger comme ils pourraient. Toutes les universités américaines ont, du reste, de semblables clubs qui, bien que tolérés, rencontrent généralement la désapprobation, du moins en principe, des éducateurs éclairés.

Les suites qu’eut l’action audacieuse du nouveau président de Princeton montrèrent combien il est dangereux aux Etats-Unis de s’attaquer aux formes établies, même lorsqu’elles appartiennent simplement au monde universitaire. Bien qu’au début de la lutte, le conseil d’administration de l’Université approuvât le projet à l’unanimité moins une voix, les protestations que firent entendre les membres actuels et anciens des clubs furent si vives et causèrent un tel émoi, que le conseil demanda au président de retirer son projet. Il le retira en effet, mais l’effet était produit. Les adversaires de M. Wilson ne lui pardonnèrent pas son initiative : quant à lui, il resta partisan convaincu de la démocratisation de l’Université. Parties de là, ses idées s’affermirent et s’élargirent. L’esprit qui caractérise ses discours pendant la récente campagne présidentielle se trouve déjà dans ceux qu’il prononça alors à Princeton. « Je sens, disait-il, que dans ce pays, en ce moment, il y a une trop grande tendance à glorifier l’argent, et, à cause de l’accroissement si rapide des richesses de la nation, cette tendance ne fera qu’augmenter. En conséquence, je crains que nous ne tombions rapidement dans une ploutocratie, et, pour parer à ce danger éventuel, je crois qu’il serait d’une grande utilité que nos jeunes gens reçussent une éducation purement démocratique dans les universités qu’ils fréquentent. » Cette déclaration et d’autres du même genre produisirent dans les esprits une effervescence dont un incident vint montrer l’intensité. Au mois de mai 1910, mourut un des plus âgés des anciens élèves de l’Université : il laissait une somme de 15 000 000 francs à son Alma mater pour combattre les idées wilsoniennes. Ce qui arrive souvent, surtout en Amérique, arriva encore cette fois : l’or fut le plus fort et une