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il ne négligera pas les autres branches de son métier ; pour spécialisé qu’il soit, il ne cessera pas d’être mêlé à la vie courante du bâtiment. Il restera un homme d’instruction générale, destiné à suivre sa carrière et à exercer des commandemens de plus en plus importans, de plus en plus généraux, qui sont sa destination essentielle et définitive.

C’est bien dans cet esprit que de récentes décisions ministérielles ont modifié notre organisation. Les jeunes officiers seuls désormais seront envoyés aux Ecoles et ils ne pourront choisir qu’une spécialité ; ils y feront une sorte de carrière, ils y serviront dans des situations croissantes en attendant d’en sortir, devenus plus âgés, pour généraliser leurs fonctions maritimes.

Cette conception du rôle de l’officier n’est pas nouvelle ; elle a été de tous les temps, bien que la nécessité en fût quelquefois moins apparente.

A l’époque brillante de la marine à voile, l’officier de commandement était l’ « officier rouge, » à côté de lui, dans les ports et sur les bâtimens, servaient les « officiers bleus, » les officiers de détails, les officiers de métiers spéciaux.

Entre ces deux sortes d’officiers qui, l’une et l’autre, étaient nécessaires, il y avait malheureusement plus qu’une différence de fonction, il y avait une différence de caste. La Révolution, en modifiant brutalement cet état de choses, n’eut pas le temps de reconstituer utilement ce qu’elle avait détruit.

De nos jours, en réorganisant la maistrance, en l’instruisant de plus en plus, en tirant de son sein des adjudans principaux, en multipliant leur nombre et leurs emplois, nous tendions purement et simplement au rétablissement des « officiers bleus ; » nous n’osions pas cependant avancer dans cette voie aussi hardiment que nous l’eussions dû. Pour démocrates que nous étions, nous hésitions à ouvrir largement l’avenir, dans leurs métiers mêmes, à ces hommes dévoués, intelligens et capables qui méritaient certainement plus que nous ne leur avions donné jusqu’ici. Aussi bien dans les arsenaux que sur les bâtimens, il y avait place pour des officiers de métier, de toutes spécialités ; leur présence à bord permettrait même, après un remaniement heureux des fonctions du commandement, de diminuer ou au moins de ne pas augmenter le nombre des officiers de marine embarqués et par conséquent de remédier, dans une certaine mesure, à la crise pénible et inquiétante de l’avancement.