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relâchée de sa rigueur. Plus de barrière entre la mère et son enfant. Ce ne sont plus de vains rites extérieurs qui rapprochent les membres d’une même famille : ils communient en esprit et en vérité. Le cœur parle au cœur. La société des âmes est fondée, et les liens du foyer en sont resserrés, comme ils ne l’avaient jamais été aux temps anciens. On ne travaille plus seulement ensemble pour des choses matérielles, on s’associe pour aimer, — et pour s’aimer davantage. Le fils appartient davantage à sa mère.

Dès cette époque où nous sommes, Monique entreprenait déjà cette conquête de l’âme d’Augustin. Elle priait ardemment pour lui. L’adolescent ne s’en souciait guère : la reconnaissance ne lui viendra qu’après sa conversion. Il ne songeait alors qu’à l’amusement. Il en oubliait même son avenir. Mais Monique et Patritius y songeaient constamment, — Patritius surtout qui se donna beaucoup de mal, pour permettre à l’étudiant en vacances de terminer ses études. Enfin il réunit la somme nécessaire, emprunta peut-être de quoi la compléter à un riche propriétaire, qui était le patron de petits bourgeois de Thagaste, — ce fastueux Romanianus, à qui Augustin, par gratitude, dédia un de ses premiers traités. Le jeune homme put se mettre en route pour Carthage.

Il partait seul, avide de science, de gloire et de volupté, le cœur troublé de désirs sans objet et de mélancolies sans cause. Qu’allait-il devenir dans la grande ville inconnue ?


LOUIS BERTRAND.