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les enfans qui l’appelleront un jour leur « véritable mère. » Sans défiance, la Duchesse voit croître cette affection qu’elle juge naturelle chez des élèves reconnaissans : elle-même ne cesse de marquer, par des bontés, sa gratitude pour une intelligente collaboratrice, qui sait à merveille tirer tout ce qu’on peut attendre des dons naturels des jeunes princes.

Leur heureux caractère, leur prime-sautière gaieté éclairent alors les dernières réunions familiales que connut le Palais-Royal avant les heures tragiques de la Révolution.

Une scène charmante semble faite pour indiquer ici le tour d’esprit, la fraîcheur de sentimens qui y présidait. Mme de Genlis, on le sait, avait imaginé d’enseigner, au moyen de la lanterne magique, l’Histoire et la Géographie à ses élèves. Ceux-ci, espiègles, y mêlent, non sans finesse d’observation, d’autres élémens moins austères, ainsi qu’en témoigne le scénario suivant écrit de la main de la jeune Mademoiselle d’Orléans. Ces petits tableaux peignent ingénument et sur le vif des traits caractéristiques de leur entourage. A ces titres, ils méritent d’être reproduits.


LA LANTERNE MAGIQUE AU PALAIS-ROYAL

1er tableau. Henri IV et la Belle Gabrielle. — Regardés bien, Messieurs, Mesdames, voilà le bon roi Henri IV. Regardés bien, un bon roi est si bon à voir, et puis c’est le grand papa de la Maison. Oh ! comme il est bien aise d’être ici, il en danse de joie et il dit en regardant ses petits enfans : Je les reconnois, car ils me ressemblent. Et allons donc, le voilà qui danse avec la belle Gabrielle, la la la la la ! — 2. Un carosse et des jocquets. — A présent, nous allons voir une course. Voyés vous dans ce carosse Madame la Duchesse de Chartres, elle a parié, devinés pour qui, Messieurs, Mesdames ? cela n’est pas bien difficile, et voilà les jocquets et voilà celui de Monseigneur le Duc de Chartres, etc. — 3. A présent, nous allons voir le fameux voyage d’Italie de Madame la Duchesse de Chartres. Vous allés voir le courage, l’intrépidité de cette grande princesse qui parcourt une corniche aussi facilement qu’un chat parcourt une gouttière. La voilà d’abord sur l’humide élément, je veux dire la mer. Voyés-vous les efforts que fait la princesse ? C’est qu’elle a le mal de mer. Admirés avec quelle dignité elle se soulage dans un pot de chambre ; mais c’est qu’il n’y a pas d’autre vase sur la felouque, et puis voilà la comtesse de Foissy et la comtesse de Genlis qui ont l’honneur d’imiter la princesse et qui vomissent à qui mieux mieux. — 4. Voyés-vous la princesse et ses dames en laitières, je veux dire en litières ? Voyés cet homme qui baise les mains de la princesse, c’est un consul. — Eh, Monsieur, finisses donc... — Cara principessa, cara principessa. — Les entendés-vous ? La princesse se désole, mais le consul tient bon ; n’ayez pas peur qu’il