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j’avois bien cru aussi de même que c’en ëtoit un de la part de la petite, car nos conventions étoient si claires qu’il me paraissoit impossible que Mme de Sillery osât y manquer d’une manière si manifeste ; eh bien, malgré ce que vous me dites alors, cher ami, c’est cependant ce qui arriva ; mes fils viennent de me dire dans l’instant que, quand même j’irois chercher ma fille, elle viendroit de son côté, qu’ils étoient chargés de sa part de m’en prévenir ; j’oubliois de vous dire que ma fille me répéta encore hier qu’elle devoit (Mme de Sillery) diner chez moi et que je lui répondis de même, et qu’elle se trompoit sans doute, que je scavois que Mme de Sillery aimoit à avoir ce jour-là libre et que j’irois la chercher moi-même ainsi que ses frères, c’est de ma douceur et de mon honnêteté qu’elle a abusé au point de vouloir me forcer à la recevoir, mais cela ne sera pas. Je viens d’écrire un billet à ma fille dont voici la copie, je vous avoue que j’ai eu un mérite extrême, mon cher ami, à ne pas faire une sortie sur cette femme à mes enfans. Qu’est-ce que c’est que cette persécution, ce manque de foi, est-ce comme cela qu’elle prétend me faire revenir ? Comment, je consens à recevoir ses lettres, à causer avec elle de mes enfans, je la remercie, je l’embrasse, et voilà à quoi mes bons procédés m’ont conduite ; j’ai eu bien du mérite à me contenir, et c’est bien pour vous, cher ami, mais ce que je n’ai pas dit à Mme de Sillery par attachement pour vous, j’espère que vous le lui dirés, par égard pour moi, ceci ne peut se suporter, et vous voyés combien on peut compter sur une personne de cette espèce. Croyés que je la connois bien, et qu’il n’y a que votre femme qui pourroit se soumettre à tout ce qu’elle a éprouvé de sa part ; mais il ne faut pas qu’elle en soit toujours victime, je réclame simplement nos conventions, et je laisse à votre honnêteté, à votre justice à décider sur le reste.

« Je me faisois une fête d’avoir mes enfans, de les mener à une partie que j’avois arrangée pour eux ; voilà tout culbuté, et il faut renoncer à un plaisir que je me promettois depuis huit jours. Mme de Sillery méritoit bien que je lui écrivisse pour lui dire que sûrement mes enfans s’étoient trompés et qu’il n’étoit pas possible qu’elle oubliât si tôt les points dont elle étoit convenue avec moi ; mais elle abuse du pouvoir que vous avés sur moi ; de la tendresse qu’elle sçait que j’ai pour vous. Du moins, faites-lui sentir que vous ne prétendes pas qu’elle