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me traite ainsi, afin que cela n’arrive plus ; voilà assurément une singulière manière de me faire revenir sur son compte.

« Je suis bien aise que, du moins, elle m’ait fait annoncer ses intentions par mes enfans, car, sien arrivant à Bellechasse, elle me les avoit signifiées, je sens que malgré tout ce que je me suis promis à moi-même, je lui aurois fait une scène très vive, car j’ai eu bien de la peine à me contenir vis-à-vis de mon fils, mais heureusement j’ai pensé à vous, cher ami. Remarqués que je fais bien plus que de régler ma conduite sur la sienne, car assurément ce dernier trait-ci ne méritoit aucun ménagment. »


« Je l’ai même embrassée !… » Quel prodige de volonté et d’abnégation révèle cet aveu ! La marque de tendresse la plus proche, Marie-Adélaïde l’a donnée à celle qui lui a ravi le cœur de ses enfans, afin qu’elle ne le gardât pas tout entier, qu’elle lui en laissât une part… une très humble part… Est-il possible, après cela, de douter que toutes les formes de conciliation n’aient été tentées par elle ? Il semble, en ce moment, que les limites des concessions ne puissent être dépassées ; le froid orgueil de la gouvernante saura les reculer encore. À son instigation, Philippe exigera de sa femme qu’elle ait une explication avec celle qui a violé les conventions établies.

La Duchesse résiste, c’est au-dessus de ses forces ; mais cette fois, encore, elle cède et se rend à Bellechasse.

À l’issue de cette entrevue, que rapporte elle-même la Duchesse, Mme de Genlis donne enfin sa démission et son départ est fixé à un mois qui sera employé à préparer les enfans à cette séparation. On devine aisément, par la réponse qu’elle y fait, les reproches dont le Duc d’Orléans accable sa femme :

… « Au risque même de vous mettre en fureur, je ne puis pas ne pas vous rappeler que je vous ai dit dans mon bain qu’il étoit impossible que j’eusse une explication satisfaisante avec Mme de Sillery ; je vous l’avois déjà dit le jour que vous m’en parlâtes pour la première fois ; je vous l’avois dit à votre retour d’Angleterre au moment où nous étions convenus que, jusqu’à ce que ma fille fût réglée, j’aurois une conduite que vous-même avez approuvée, et dont je ne me suis point écartée un seul instant. Je n’ai jamais cessé de vous répéter la même chose, et si vous ne l’avez pas entendu, ce n’est pas de ma faute, car je vous l’ai dit à différentes reprises et de toutes les manières possibles,