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en attribuant des portefeuilles à quelques-uns d’entre eux, il s’est bien trompé ; l’effet produit a été tout à fait contraire à celui qu’il avait espéré, peut-être escompté ; les radicaux-socialistes ont considéré M. Massé et M. Charles Dumont comme des renégats et ils ont lancé contre eux les foudres de l’excommunication ; leur présence dans le ministère ne portera bonheur ni à eux, ni à lui. M. Franklin-Bouillon, M Thalamas, M. Violette n’ont fait qu’un discours à eux trois : ils se sont appliqués à constater que divers membres du ministère étaient, à la veille d’en faire partie, en contradiction, en opposition les uns avec les autres sur les questions qui ont composé le lendemain leur programme commun. Comment, ont-ils demandé, par quelle intervention merveilleuse, par quelle grâce d’état miraculeuse, ces conversions subites se sont-elles produites ? L’opinion comprend mal, effet, et admet plus difficilement encore, ces volte-face rapides qui concordent tantôt avec l’entrée d’un homme politique dans un ministère, tantôt avec sa sortie, car, à la sortie, il reprend les opinions qu’il avait en quelque sorte déposées au vestiaire et le second mouvement n’est pas moins déconcertant que le premier. On en a vu, dans ces derniers temps, des exemples que nous ne nous chargeons pas d’expliquer. Mais pour ce qui est du défaut d’homogénéité du Cabinet, comment y échapper avec une Chambre où il n’y a pas de majorité ? Il ne faut pas être, à ce point de vue, trop sévère pour M. Barthou. On conçoit d’ailleurs très bien que des hommes politiques venus de milieux différens se rallient, dans un moment grave pour le pays lui-même, à un programme commun qui s’éloigne sur certains points de leurs programmes particuliers. C’est ce qu’ont fait les membres du Cabinet Poincaré et, au lieu de le leur reprocher, on les en a approuvés : pourquoi se montrer plus rigoureux envers les membres du ministère Barthou ? Est-ce parce que, au lieu de s’appeler Bourgeois, ils s’appellent Dumont ou Massé ? Est-ce parce qu’ils sont d’une grandeur et d’une autorité moindres ? Est-ce parce qu’ils ont moins de défense ? Les contrats de ce genre, lorsqu’ils sont imposés par les circonstances et qu’ils sont d’ailleurs loyalement avoués et tenus, sont quelquefois défendables : ce qui ne l’est pas, c’est que des ministres de la veille, une fois rentrés dans le rang, fassent un grief à leurs successeurs de se plier aux mêmes nécessités qu’ils ont subies les premiers. M. Barthou a affirmé que tous ses collègues étaient d’accord, pleinement d’accord, sur tous les points du programme ministériel. Soit. Contentons-nous de dire qu’ils donneront un rare exemple de probité politique s’ils conservent les mêmes