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nous connaissons de l’âme d’Augustin nous explique trop bien qu’il s’en soit écarté avec horreur.

L’astrologie le séduisait au contraire par son apparence scientifique. Ses adeptes s’intitulaient « mathématiciens, » et ainsi, elle semblait emprunter aux sciences exactes quelque chose de leur solidité. Augustin en conférait souvent avec un médecin de Carthage, Vindicianus, homme de grand sens et de grand savoir, qui parvint même aux honneurs proconsulaires. En vain celui-ci démontrait-il au jeune rhéteur que les prétendues prophéties des mathématiciens étaient l’effet du hasard ; en vain son ami Nébride, moins crédule que lui, joignait-il ses argumens à ceux du savant médecin, Augustin s’obstinait dans sa chimère. Son esprit raisonneur découvrait d’ingénieuses justifications pour les prétentions des astrologues.

Ebloui par tous les mirages intellectuels, il vagabondait ainsi d’une science à l’autre, en se répétant, dans son cœur, la devise de ses maîtres manichéens : « Vérité, vérité ! » Mais quels que fussent, pour lui, les attraits de la vie spéculative, il avait d’abord à assurer sa vie matérielle. La vue de son enfant le rappelait au sentiment des réalités. Gagner de l’argent et, pour cela, se pousser, se mettre en évidence, augmenter sa réputation, Augustin y travaillait de toutes ses forces. C’est ainsi qu’il concourut pour le prix de poésie dramatique. Il fut déclaré vainqueur. Son vieil ami, le médecin Vindicianus, alors proconsul, posa, nous dit-il, la couronne sur sa « tête malade. » Ce futur Père de l’Église écrivant pour le théâtre, — et quel théâtre que celui d’alors ! — ce n’est pas une des moindres étrangetés de cette existence si agitée et, au premier abord, si contradictoire !

Vers la même époque, et toujours par ambition littéraire, il composa un traité d’esthétique, sur le Beau et le Convenable, qu’il dédia à un de ses collègues illustres, le Syrien Hiérius, « orateur de la Ville de Rome, » — un des professeurs de l’enseignement officiel, appointé soit par la municipalité romaine, soit par le trésor impérial. Ce rhéteur levantin faisait merveille dans la capitale de l’Empire. Sa renommée avait franchi les cercles universitaires et mondains et passé la mer. Augustin l’admirait de confiance, comme tout le monde. Il est clair qu’à cette époque, il ne concevait pas de fortune plus éclatante pour lui que d’être nommé, lui aussi, à l’égal d’un Hiérius, orateur de la Ville de Rome. Par la suite, l’évêque d’Hippone, tout en