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de navigation aérienne est aussi intellectuelle que toute autre ; il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour me faire dire... ; et elle ne se distingue de la jeunesse section des lettres qu’en ce que celle-ci, ou une partie de celle-ci, est un peu plus prétentieuse.

Faire porter une enquête seulement sur la jeunesse littéraire, à l’exclusion des autres jeunesses intellectuelles, c’est comme si, vers 1830, on eût fait une enquête relative à l’avenir du pays en en excluant la jeunesse contenant ceux qui devaient devenir Auguste Comte, Claude Bernard, Michel Chevalier, Jules Favre, Lesseps, Cavaignac, Berryer, Thiers, Rémusat, Niel, et en ne la faisant porter que sur ceux qui devaient devenir Hégésippe Moreau, Gérard de Nerval et Lachambaudie. Cette enquête d’un Agathon de 1830 eût été certes très intéressante comme document littéraire, mais eût été nulle comme pronostic de l’avenir du pays et même comme diagnostic de l’état des esprits penseurs de 1830.

Ceci est l’erreur immense qui est au fond de l’enquête actuelle et le vice médullaire qui la ruine.


Il n’en est pas moins, je l’ai loyalement assez montré, que cette enquête contient, sur une partie trop restreinte de la jeune France, mais qu’encore il n’est pas superflu de connaître, des documens intéressans, curieux, aussi agréables qu’utiles ; et qu’elle nous présente, encore qu’en traits un peu brouillés, un portrait fort sympathique, en somme, d’une fraction de la génération où nous mettons nos espérances. Les jeunes gens que connaît Agathon sont purs, pleins de sentimens élevés, ardens, courageux, amoureux de la vie et confians en elle, dévoués à la patrie ; et tout cela doit nous enchanter et rendre moins mélancolique notre prochain départ.

Mais, par Saint Georges ! ils ne sont pas modestes !


ÉMlLE FAGUET.