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Aucune considération ne peut être plus impérieuse, si nous voulons une armée prête à faire la guerre et propre à soutenir dans le monde le grand héritage de notre passé. Il est évident en effet que plus l’état des troupes sur le pied de paix est voisin du pied de guerre, et mieux l’enseignement militaire se donne, mieux les fonctions sont remplies, plus la vie intérieure des unités s’anime et se diversifie. Tous ces intérêts déclinent au contraire, — et très vite, en progression géométrique, — quand la dotation numérique s’appauvrit.

L’existence militaire ne se soutient, plus alors que par une dépense plus grande d’énergie de la part du commandement, par le rayonnement incessant de la volonté et de la foi, comme il arrive dans un corps qui s’anémie, mais dont le système nerveux garde encore sa vitalité.

Convenons-en donc : c’est sur l’officier, aujourd’hui, que tout repose, et de proche en proche, de l’homme de troupe au sous-officier, du sous-officier au lieutenant, c’est bien sur lui que la loi de 1905 rejette tout ce dont elle a déchargé le soldat. Un devoir pédagogique constant, une action de présence continue, un effort incessant d’exemple, des contacts plus étroits dans l’obéissance comme dans l’autorité, telle est sa part, et c’est la meilleure, et elle ne lui sera pas enlevée ; mais, seules, les âmes d’élite peuvent s’en satisfaire au point d’oublier le reste, et de s’affranchir des difficultés liées à la vie chère, à la lenteur de l’avancement, au recul des militaires dans l’ordre des préséances, enfin aux conditions mêmes du travail journalier. Des garnisons trop nombreuses, trop peu concentrées, où l’on n’a que trop rarement le contact vivifiant des autres armes, une troupe si légère d’effectif qu’on ne la sent pas peser dans la main, un commandement d’autant plus lourd, une fiction perpétuelle au point de vue de la guerre, la fastidieuse « convention de manœuvre, » des exercices par a + b où l’officier donne moins d’ordres que de commentaires, où il ne décide plus, mais où il pérore, voilà le programme d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Cependant, l’entrée de la carrière militaire reste hérissée d’examens et d’épreuves. Les ayant subis, il faut passer une année dans le rang, deux autres à Saint-Cyr ou à l’Ecole Polytechnique, tandis que l’heureux fruit sec de ces deux concours suit tranquillement le sort de sa classe ; candidat au grade d’officier de réserve, il entre après douze mois de service dans un peloton