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trahison de Pontatuli était fausse, inventée par on ne sait quelle imagination diabolique. Jamais, au grand jamais, Pontatuli n’avait renoué d’ancienne liaison. Amant, mais amant pour le bon motif, il était fermement résolu à épouser Henriette. Quand lui est arrivée la lettre de rupture, telle a été sa douleur et telle sa stupéfaction qu’il en est devenu fou, littéralement fou, fou à lier, et qu’il a fallu l’enfermer dans une maison de santé. Qui donc est l’auteur de ce mensonge ? Qui a conçu et réalisé l’odieuse machination ? Une surprise ne vient jamais seule. Pontatuli affirme que, s’il a accepté l’invitation à Deauville, c’est que cette invitation lui a été adressée au nom d’Henriette qu’on affirmait désireuse de le revoir. Qui donc a pu livrer le secret de la jeune femme ? Mais qui serait-ce, sinon celle dont on retrouve l’obsédante silhouette à toutes les avenues de la trahison ? Gabrielle a tout fait. L’évidence l’accable. Telle est l’étourdissante révélation, également inattendue sur la scène et dans la salle, qui vient subitement nous donner à tous, acteurs et spectateurs, le même violent coup au cœur.

C’est le point culminant de la pièce. Tout n’a été préparé, et très habilement préparé, que pour nous mener à cette péripétie qui


Change tout, donne à tout un aspect imprévu.


Il va sans dire que Le Guenn arrive au bon moment pour surprendre la conversation de Pontatuli et d’Henriette. Il s’ensuit un certain nombre de manifestations, obligatoires et « de style, » qui sont comme les « réflexes » de ce genre de situations : cris de colère, sanglots et rugissemens, gestes furieux, altercation entre les deux hommes qui, nous dit-on, se sont pris à la gorge et ont roulé sur le parquet ; et il faut grandement féliciter M. Bernstein de ne pas nous avoir mis sous les yeux cette scène de colletage. Mais tout cela est de peu d’intérêt. Qu’arrivera-t-il du petit Le Guenn et du beau Pontatuli, et de quelques autres ? Cela nous laisse tout à fait indifférens. L’auteur l’a bien compris, et il concentre tout son effort sur ce morceau capital qui est à lui seul tout le troisième acte : la confession de Gabrielle.

Car nous savons le crime de Gabrielle. Il nous reste à en recevoir l’aveu de sa bouche. Et pour que cet aveu ait toute sa saveur, c’est à son mari, à son amoureux de mari, qu’elle l’infligera. « Constant, je ne suis pas la femme que tu crois. C’est moi qui ai calomnié Pontatuli auprès d’Henriette. C’est moi qui ai tâché de faire échouer le mariage de Le Guenn. C’est moi qui ai fait inviter Pontatuli à Deauville pour troubler le ménage d’Henriette. Et ce n’est pas tout. Cherche autour de