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qui lui est fournie par l’abandon où se trouve Fedosia, un Français, le marquis de Mauvières, pendant la semaine du carnaval, à Venise, intrigue la jeune femme, et pousse, aussi loin qu’il lui est possible, l’intrigue à laquelle Fedosia semble se prêter. Après diverses péripéties, les deux époux se réconcilient, tandis que le malheureux Mauvières, qui s’est piqué au jeu, et même s’y est brûlé, tire un inutile coup de pistolet. La pièce, qui justifie assez bien son titre, la Semaine folle, est trépidante, papillotante et parfois difficile à suivre. L’effet en est encore exagéré par la principale interprète, Mlle Ventura, dont le jeu donne l’impression d’une perpétuelle crise de nerfs.

L’autre, de M. Kistemaeckers, l’Exilée, a servi de spectacle d’inauguration à la Comédie des Champs-Elysées. Cette fois, nous sommes dans une cour imaginaire, située quelque part dans les Balkans. Un précepteur français, qui donne des leçons aux jeunes princes et fait la leçon à tout le monde, avec cette impertinence qui passe aux yeux de beaucoup de nos auteurs pour le dernier mot de l’esprit français, a noué une intrigue avec la Princesse-Régente. La lectrice de la Princesse-Régente étant tombée elle aussi amoureuse du précepteur français, détermine celui-ci à se sauver avec elle. La Révolution éclate, la Princesse-Régente devient aveugle, ou passe pour aveugle, et voit qu’elle est trahie par le Français et la demoiselle d’honneur... Mais cela échappe à l’analyse.

« Il y a théâtre et théâtre, dit Cabaniès dans Hélène Ardouin. Vous, quand vous parlez théâtre, vous voyez des acteurs, des actrices, des pièces. Pour moi, tout ça c’est l’accessoire, c’est le prétexte. Et d’ailleurs c’est toujours la même chose. Jamais ça ne fera de progrès. Mais ce qui est appelé à en réaliser d’immenses, c’est la décoration, la mise en scène... » Je songeais à cette profession de foi d’un imprésario bien moderne, en écoutant et surtout en regardant le Minaret à la Renaissance. De la pièce de M. Jacques Richepin, il y a peu de choses à dire : ce sont des vers faciles sur un sujet libertin et vaguement turc. Mais les décors ! Le pur décor art nouveau et ballet russe. De grandes bandes juxtaposées de couleurs violentes et hurlantes. Des costumes d’une laideur qui tient de la gageure. Les femmes ont à la taille un abat-jour ballant et brinqueballant. Le dernier mot de l’abomination.


RENE DOUMIC.