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Byron a écrit : « Les Essais de Montaigne et le Dictionnaire philosophique de Voltaire sont les ouvrages que je lis et relis avec un intérêt toujours renouvelé. » Et Tackheray : « Montaigne et les Lettres d’Howel sont mes livres de chevet. Si je m’éveille la nuit, j’ai sous la main l’un ou l’autre de ces auteurs qui babille avec moi pour me rendormir. Ils parlent d’eux-mêmes sans fin, et ils ne me fatiguent pas... J’aime, dis-je, et je ne me lasse presque jamais d’entendre le babillage sans apprêt de ces deux chers vieux amis, le gentilhomme périgourdin et le vaniteux petit clerc du conseil du roi Charles. » Dans le cabinet de Stevenson, Montaigne va rencontrer une autre compagnie, « Un ou deux des romans de Scott, Shakspeare, Molière, Montaigne, « l’égoïste, » et « le vicomte de Bragelone » constituent le cercle étroit de mes intimes. » Chez Dobson, dans son poème intitulé Mes livres, Montaigne passe en première ligne, il est suivi de Howell, Horace, Molière, Burton et Rabelais. « Les autres livres, ajoute Dobson, je ne les ai jamais ouverts, ceux-là sont les livres que je lis. » John Richard Green le place auprès de Shakspeare et de Dante, dans les plus hautes sphères de la pensée où l’esprit devrait chercher une nourriture quotidienne. « Si chaque jour, écrit-il, vous aviez lu un peu de Shakspeare, ou un peu de Dante, ou un peu de Montaigne, par exemple, vous n’auriez pas cessé d’aimer Mme Roland, mais vous auriez réservé l’enthousiasme enflammé qu’elle vous inspire pour des caractères plus haut placés. » Et parmi les influences livresques qu’il a subies, il distingue avant tout celles de Carlyle et de Montaigne. Montaigne lui a donné des leçons d’impartialité. Edouard Fitz Gerald, le délicat érudit concentré dans sa vie intérieure et si épris de sagesse, était encore un fervent admirateur de Montaigne. Il le nomme sans cesse dans sa correspondance ; il le lit, il le loue, il l’emporte en voyage comme un « agréable compagnon, » il l’appelle « mon vieux Montaigne, » il s’inspire de lui. On a relevé dans son Puissant magicien bon nombre de réminiscences des Essais. George Eliot a dit aussi son admiration pour Montaigne, et quand le meunier du Moulin sur la Floss, pour exprimer qu’il ne veut pas se dépouiller de son bien au profit de ses enfans tant qu’il en pourra jouir lui-même, nous dit qu’il entend ne pas se dévêtir avant l’heure de se coucher, il nous laisse deviner qu’il a lu Montaigne en sa jeunesse.

On pourrait prolonger cette liste de témoignages. Il faut