Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un résidu dans lequel les sels s’accumulent sous une concentration de plus en plus forte, inclus dans le corps même de la glace marine. La concentration de ce résidu augmente à mesure que la température descendante l’appauvrit en liquide, et par suite il est de plus en plus réfractaire à la solidification. Aussi la congélation de l’eau de mer est-elle rarement totale.

Mais pour les raisons précédentes et notamment à cause de leur faible épaisseur, la résistance à la rupture des icefields est très faible et ils sont peu dangereux.

n n’en est pas de même des icebergs : ceux-ci sont formés de glace non salée identique à celle de nos rivières : ils proviennent surtout, dans notre hémisphère, des glaciers pareils à ceux de nos Alpes qui, le long des fjords du Groenland, descendent vers le rivage. Le front de ces glaciers s’avance chaque jour de quelques mètres vers la mer en falaises de glace escarpées, hautes souvent de plusieurs centaines de mètres, et qui, lorsqu’elles ne sont pas soutenues par la terre ferme, se brisent et se mettent à flotter en formant les icebergs.

Que ceux-ci soient assez nombreux pour interrompre la navigation à des milliers de lieues de leurs points d’origine, et qu’ils représentent plus de 20 000 kilomètres cubes de glace amenée chaque année dans l’Atlantique Nord, ce sont choses qui pourraient étonner si l’on ne connaissait maintenant la masse colossale des glaciers groenlandais. Alors que tous les glaciers des Alpes réunis n’occupent au total qu’une superficie de 3 800 kilomètres carrés, ceux du Groenland recouvrent 1 900 000 kilomètres carrés, près de quatre fois l’étendue de la France.

C’est une fatalité déplorable, qui amène les icebergs en grandes masses précisément sur la route maritime la plus fréquentée du globe, celle qui joint l’Europe à New-York<ref> Beaucoup de savans pensent que le banc de Terre-Neuve s’est formé peu à peu par l’apport des matériaux divers (pierres, sable, etc.), que les icebergs apportent avec ceux du Groenland et que leur fusion accumule au fond de la mer. Mais cette théorie n’est pas universellement admise et elle a été notamment combattue avec des argumens très forts par M. Thoulet. </<ref>. Dans ces parages le courant froid du Labrador amène les icebergs jusqu’à près de 40° de latitude Nord (très au-dessous du parallèle de Nice). Au contraire, on ne les trouve jamais au-dessous de 60° vers les îles Féröe. Ils n’atteignent jamais les côtes norvégiennes russes ou sibériennes et on ne les rencontre pas dans le Pacifique du Nord. On croirait que la nature se