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plaît à semer les obstacles là précisément où l’homme se presse le plus de la dominer.

Il est un peu tard peut-être pour revenir sur la catastrophe du Titanic, mais il est une remarque qu’on n’a pas assez faite : c’est que la masse énorme des paquebots modernes, loin d’être une cause de sécurité pour eux, les rend au contraire bien plus vulnérables au choc des icebergs.

La vitesse de ceux-ci est en effet toujours faible et seulement de quelques milles marins par jour ; ils seraient donc peu dangereux pour des navires marchant lentement. Mais le Titanic voguait à près de 600 mètres à la minute, et la force vive dépensée dans le choc, égale au carré de cette vitesse multiplié par la masse du navire, a dû être formidable. Donc une rencontre de ce genre a des effets d’autant plus graves au point de contact que les paquebots sont plus gros ; il faudrait pour qu’il en fût autrement que, lorsqu’on augmente les dimensions des navires, on donnât à l’épaisseur et à la solidité des coques des valeurs proportionnelles au tonnage, ce qui est loin d’être le cas.

La masse énorme des icebergs contribue surtout à les rendre dangereux. Ils ont souvent 70 mètres, parfois même 100 mètres de hauteur au-dessus de la mer. Une fois même, Drygalski en a mesuré un qui avait 137 mètres. Leur hauteur totale est naturellement bien plus grande puisque la majeure partie de leur volume est immergé. Théoriquement on calcule en partant du principe d’Archimède, que la hauteur immergée peut être jusqu’à neuf fois supérieure à la partie émergeante. En fait, elle n’est que rarement supérieure à cinq, six ou sept fois celle-ci, car les icebergs ont généralement des formes irrégulières et s’orientent en flottant de telle sorte que la partie la plus large soit dans l’eau ; d’autre part, la portion qui émerge est souvent pleine de trous et d’anfractuosités. L’iceberg qui heurta le Titanic avait, d’après les témoins, environ 20 mètres de haut, et on peut calculer, en tenant compte de sa largeur, qu’il avait certainement un volume de plusieurs millions de mètres cubes. Projetés contre de tels récifs, les plus puissans navires ne sont plus que des coques de noix.

Les icebergs antarctiques ne sont pas plus hauts que ceux de l’hémisphère boréal, mais ils les dépassent de beaucoup par leurs dimensions horizontales, ce sont de véritables îles flottantes. Ainsi on a rencontré, jusque sous le parallèle de i44° Sud, de ces îles de glace de 40 à 50 milles marins de longueur sur une hauteur d’une centaine de mètres. Ces grands icebergs antarctiques ne sont sans