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C’est au cours de ce rapide récit que vient se placer l’épisode imaginé par un correspondant anonyme[1], d’une manifestation de faiblesse et de frayeur qui serait apparue chez le général de Ladmirault à l’approche de l’attaque prussienne. Il est regrettable que ce conte ait été accueilli par M. Ollivier sans plus de fondement : je n’ai vu ni ressenti rien de pareil, moi qui étais alors à la botte du général, porteur de son fanion. Je ne m’en séparai que pour ramener deux bataillons trop exposés de l’autre côté du ravin, puis pour « ramasser tout ce que je trouverais de cavalerie, » selon l’expression de mon chef, afin de l’opposer à celle qui menaçait son flanc droit.

Ces deux chocs ne furent pas tellement simultanés, que le même officier d’ordonnance, le lieutenant Niel, aujourd’hui général, n’ait pu être témoin des deux, quoiqu’ils se soient produits respectivement sur les deux faces opposées du redan susdit. C’est à son saillant, au centre du corps d’armée, que se tenait le général, comme il avait coutume quand il ne se montrait pas sur la ligne des tirailleurs pour reconnaître le terrain ou encourager la troupe. Il y eut même assez d’intervalle entre les deux attaques pour que Niel eût le temps d’interroger des prisonniers faits sur celle de gauche avant de déclancher à droite la charge de la division Legrand et d’y participer, comme je le vis en revenir. Il pouvait être alors sept heures du soir, et le rassemblement des unités disloquées se faisait des deux côtés.

Que vient-on nous conter alors du général qu’on ne trouvait pas ?... de toute la journée, dit-on, le maréchal n’avait su où était le corps d’armée. — Soixante pièces de canon en feu font pourtant un certain bruit. — Son chef était, vraisemblablement, au centre de l’action puisque, des trois cavaliers de la garde de son fanion, l’un était tué, un autre blessé, l’autre disparu. — Aucun des officiers envoyés, dit-on encore, à sa recherche par le maréchal n’avait pu le joindre... Je n’ai pas à l’expliquer, mais à le constater, d’abord pour n’en avoir, en effet, pas vu un seul, ensuite parce que cela se trouve confirmé au procès.

Pourtant M. Ollivier a écrit : « Or il est certain que Bazaine a ordonné et que Ladmirault a désobéi. » — Ordonné quoi ? Désobéi à quoi ?...

  1. Voyez La Bataille de Rezonville, par Germain Bapst, p. 397.