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du mystère, la demi-défaillance du corps à jeun que la présence et puis la possession de Dieu redresse.

Doctrina et veritas : c’était la devise des Doctrinaires, et elle concilie avec la rigueur de la doctrine avérée la vérité qu’on cherche. Il y a là et la discipline et l’audace, l’une maîtrisant et l’autre excitant les ardeurs de l’intelligence. D’ailleurs, on les a vus hardis, touchés un instant de jansénisme et, pour ce, tenus par l’Église en quelque suspicion. Plus tard, et particulièrement, vers le milieu du XVIIIe siècle, ils subirent la tentation des nouveautés.

En 1762, six ans avant l’arrivée de Joubert à Toulouse, l’Académie des Jeux floraux avait mis au concours ce problème : « Quel serait en France le plan d’études le plus avantageux ? » Le P. Navarre, professeur de philosophie à l’Esquille, traita le sujet ; et son discours fut couronné. 1762, c’est l’année de l’Émile. Et, comme Rousseau, le P. Navarre présentait une vive réforme de l’enseignement. Il veut que la pédagogie soit docilement adaptée à la nature des enfans, soumise à leur caractère, à leur impatience, à leur inconstance, à leur curiosité. Qu’on leur offre des vérités sensibles, qu’on les amuse avec des réalités pittoresques et qu’on enchante leur fougueuse imagination. Foin de la routine ! II n’est pas divertissant d’apprendre la grammaire grecque ou latine : on lira les philosophes d’Athènes et de Rome dans les traductions françaises[1].

Les Doctrinaires ne craignaient pas d’aller de l’avant ; et l’utopie du P. Navarre, je crois qu’ils l’avaient lancée comme un essai qui n’était pas sans les séduire. Ce fut un scandale. Les Doctrinaires, avertis, renoncèrent aux ingénieuses fantaisies de leur P. Navarre ; et l’on s’en tint à l’usage dûment consacré.

Celui-là était, sans nulle innovation, charmant. Cura religionis prior et potior habenda est, non tamen unica. Vigeant simul necesse est artes et scientiæ. La religion n’était pas reléguée à la chapelle ; mais elle pénétrait dans les classes, où chaque jour on préludait par la récitation et le commentaire du catéchisme, la lecture d’un passage des livres sapientiaux ou du Nouveau Testament : et, la matière des déclamations, on l’empruntait volontiers aux préceptes de la morale chrétienne.

  1. Je dois plusieurs de ces renseignemens à M. l’abbé Vielle, curé de l’Immaculée Conception, à Toulouse, qui prépare une étude sur les Doctrinaires.