Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/575

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en étaient privés. Quand le Semmering a été construit, en 1850, c’était pour relier l’Italie à l’Autriche. Quand le Mont-Cenis fut construit vers 1870, il s’agissait surtout de réunir la France et l’Italie et de faciliter entre elles des échanges qui ne se faisaient guère. Lorsque le Saint-Gothard fut à son tour percé, il s’agissait moins de créer une concurrence au Mont-Cenis que de mettre en relation l’Italie avec l’Allemagne du Nord, comme le Mont-Cenis l’avait mise en contact avec la France. Les tunnels du Simplon et du Loetschberg ont une portée économique moins considérable et ont plutôt pour but de desservir des relations locales très intéressantes et de concurrencer les chemins de fer existans. Le tunnel sous la Manche a, dans un ordre beaucoup plus élevé, ce caractère des tunnels du Mont-Cenis et du Saint-Gothard, puisqu’il est destiné à faciliter non seulement les relations de deux pays comme la France et l’Italie, comme l’Italie et une partie de l’Allemagne, mais à réunir l’Angleterre avec le Continent tout entier. C’est une œuvre qui, par sa grandeur et son importance économique, peut être assimilée aux plus grandes œuvres humaines, telles que le canal de Suez.

En ce qui concerne la France et l’Angleterre seules, une entente cordiale s’est établie, qui est un bienfait pour la paix du monde. Les grands événemens qui se sont produits depuis quelques années, ont fait apparaître clairement l’intérêt supérieur qu’il y avait pour les deux pays à vivre en bonne intelligence et en pleine confiance. La politique, qui a réussi à supprimer entre eux les causes de méfiance et de conflit, a fait ressortir nettement les avantagea d’une entente qui maintient l’équilibre des forces en Europe. Si, au point de vue politique, l’entente a montré son utilité et son efficacité, il s’en faut de beaucoup qu’elle ait encore donné pour la richesse des deux peuples les résultats qu’on est en droit d’en attendre. Examinons brièvement et successivement ce que peuvent être les échanges de voyageurs et les échanges de marchandises.

Dans l’état actuel des choses, le nombre des voyageurs entre la France et l’Angleterre n’est guère, par toutes voies, que de 1 100 000 en 1912. La progression, très lente avant l’entente cordiale, s’est accentuée depuis, mais ce chiffre paraîtra encore bien faible si on le rapproche des 6 millions de voyageurs environ échangés entre la France et la Belgique, l’Allemagne du Nord et la Russie. Si on considère les relations de l’Angleterre