qui « sourit, menace, caresse, s’attriste, et s’égaie comme un regard humain ?... » Non, « il ne paraît pas possible qu’on puisse avoir l’esprit tout à fait commun, si l’on fut élevé sur les quais de Paris... Puisqu’il y a là des arbres avec des livres, et que des femmes y passent, c’est le plus beau lieu du monde. »
Cet amoureux de Paris, « la ville des pensées généreuses, » n’avait pas pour parens des Parisiens. Son père, — « le père France, » comme on l’appelait familièrement, de son vrai nom Noël Thibault, — était du Bocage vendéen. Sa mère était de Bruges la morte. Les purs Parisiens sont rarement de vrais poètes : faut-il penser que l’auteur des Noces corinthiennes dut à ce croisement d’hérédités les dons poétiques qu’il reçut en partage ? Ce qu’il y a lieu de noter, en tout cas, c’est que « le père France » était poète lui aussi à ses heures, qu’il « faisait des vers suivant une métrique toute personnelle, mais de vrais vers de poète, gracieux et profonds, et qu’il ne s’est jamais consolé, — nous dit Gréard[1], — que
D’Homère le soleil n’eût pas brillé pour lui. «
« Homme de discipline et de foi monarchique, » ancien garde
du corps de Charles X, ceux qui l’ont connu sur le tard nous le
représentent comme un « vieux royaliste assombri[2], » et son
fils, tout récemment encore, comme essentiellement « ami du
silence et de la paix[3]. » Devenu libraire, il s’était passionné
pour l’histoire documentaire de la Révolution française, et il
était l’auteur et l’éditeur d’un travail qui eut son heure de célébrité et d’utilité, le Catalogue La Bédoyère. Dans sa boutique
de librairie fréquentaient des bouquinistes, des bibliophiles, des
érudits, de vieux amateurs épris d’ancien régime ; on y causait
beaucoup, et la Révolution n’y était point précisément en
- ↑ Discours prononcés pour la réception de M. Anatole France, Firmin-Didot, 1896, p. 33. — Un poète ami et admirateur de M. Anatole France, — voyez dans ses Poésies complètes (Paris, Fontemoing, 1904), les deux jolies pièces intitulées A Anatole France et Soirs évanouis, — M. Frédéric Plessis, nous a conservé, en épigraphe de la pièce qui a pour titre Lassitude, un vers de Noël France. Le voici :
- Je quitte ces vergers où j’ai passé ma vie.
- Je quitte ces vergers où j’ai passé ma vie.
- ↑ Robert de Bonnières, Mémoires d’aujourd’hur', 2e série, 1885, p. 332.
- ↑ Anatole France, En huitième (L’Homme libre du 5 mai 1913).