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fut ouvert par l’État, en 1903, puis un rapport publié, après une enquête par les services publics, dans toutes les provinces (El regadio en España, 1904). M. Rafaël Gasset, qui fut ministre des Travaux publics, s’est institué le protagoniste d’une campagne infatigable, dont la conclusion a été au moins de poser des précisions utiles et de susciter, en diverses régions, des initiatives bienfaisantes. Les travaux les plus importans ont été entrepris en Andalousie et en Aragon. Tout l’Aragon central est un plateau dans lequel l’Èbre et ses affluens ont profondément entaillé leurs lits ; il est ras, poussiéreux, et ressemble aux steppes du centre algérien ; l’irrigation ne vise pas le niveau supérieur, mais se propose d’agrandir, dans les bassins des vallées, la zone des cultures ; les ingénieurs comptent ainsi doubler les 250 000 hectares actuellement ensemencés en Aragon. Pour l’Andalousie, où déjà des barrages-réservoirs (pantanos) ont été construits, ce sont 100 000 hectares encore que l’on gagnerait à la charrue et, ce qui serait plus précieux encore, on favoriserait la promotion humaine de plusieurs milliers de paysans.

L’aménagement des eaux apparaît plus nécessaire que jamais, au moment où les fleuves doivent être traités non seulement comme des canaux d’irrigation, mais comme des mines, toujours renouvelables, de houille blanche. La structure de la péninsule est telle que les cours d’eau, traînans sur les paliers des plateaux, dévalent en rapides et en cascades au droit des arêtes qui entourent ces alvéoles intérieurs ; les pluies tombent très irrégulièrement ; tantôt le lit est marqué par un mince filet d’eau, tantôt des flots tumultueux, après un orage, bondissent à l’assaut des berges et noient les terres étalées des bassins. C’est déjà la nature des oueds africains. Les piles des ponts sont spécialement construites pour résister à ces trombes intermittentes : elles sont armées à l’amont d’un éperon qui divise le courant, et l’on s’étonne, en été, de cet appareil guerrier, au-dessus des flaques d’un cailloutis où les blanchisseuses trouvent tout juste de quoi laver leur linge. Les Espagnols, après la reconquête sur les Maures, au temps de la monarchie flamande, ont coupé les arbres, systématiquement ; dans le feuillage, disaient-ils, s’abritent les oiseaux, qui dépouillent les récoltes ; les oiseaux ont disparu avec les arbres, mais la terre végétale aussi, et cette économie s’est révélée terriblement destructrice. En réaction