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des divers partis. Les chiffres, au contraire, sont anonymes, ce qui est une des causes de leur médiocre popularité dans le monde où l’on ne fait que parler ; si l’on s’en rapporte plus volontiers, dans les débats actuels, à des argumens d’ordre statistique, n’est-ce pas un indice que le réalisme l’emporte sur les illusions des doctrinaires et les déclamations des intrigans ? Les articles de fond des meilleurs journaux d’Espagne s’intitulent maintenant « relations commerciales, » « politique de travaux publics, » « traités de commerce. « Les tableaux des importations et exportations ne sont plus relégués dans les fascicules peu feuilletés des Bulletins spéciaux ; en regard d’une seule section de « politique et administration coloniales, » la jeune et vivante Liga africanista en a six réservées aux études économiques : colonizacion, mercantil, industrial, agricola, navègacion, obras pùblicas. Au dernier Congrès des Chambres de commerce, à propos des épreuves de la vie chère, un rapporteur a osé s’attaquer crûment au protectionnisme outrancier, « aux lois qui fabriquent la faim. » Ces mots sont commentés par ceux mêmes qui ne savent pas lire, de sorte qu’il se forme une opinion, qui ne se reflète pas encore dans les votes électoraux, mais qui tend à devenir un des ressorts de la vie publique.


Où sont, présentement, les intérêts de l’Espagne ? Par cette question s’ouvrent toutes les controverses engagées sur les alliances ou ententes internationales. La péninsule peut produire des denrées agricoles bien au delà de sa consommation, et quelle que soit la hausse rapide de celle-ci, avec une récolte seulement moyenne, elle a des excédens de grains. Son vignoble ne peut vivre que pour l’exportation, car un très grand nombre d’Espagnols boivent peu ou point de vin. Il est arrivé que le change de l’or, agissant comme prime d’exportation, se soit joint à ces raisons naturelles pour exagérer les ventes au dehors, et que celles-ci, tout en signifiant une production abondante, aient été sur les marchés de l’intérieur une cause de renchérissement. Si l’on enrichit le consommateur métropolitain en lui offrant des occasions rémunératrices de travail, des facilités de production et de circulation, l’équilibre se rétablit, les demandes de l’étranger sont un tonique et non un stupéfiant, générateur d’excitation passagère. Le protectionnisme hypertrophique, qui triomphe depuis le tarif de 1906, conduit à un isolement beaucoup