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plus dangereux que splendide : voilà ce qu’on dénonce un peu partout ; on regarde alors au delà des frontières, on balance les comptes d’affaires et les invites gratuites de la diplomatie, on s’aperçoit que, pendant le dernier exercice, le total des transactions de l’Espagne avec la France et l’Angleterre atteignit 848 millions, tandis que les trois Puissances de la Triplice n’ont vendu et acheté à l’Espagne que pour 263 millions en tout.

Si l’Espagne incline aujourd’hui vers la Triple Entente, c’est que les deux cinquièmes de ses échanges extérieurs la lient aux nations de ce groupe. Cette association paraîtrait plus étroite encore, si l’on comparait les effectifs des capitaux étrangers employés dans la péninsule ; à côté des 500 millions de francs de l’Angleterre et des 4 milliards de la France, tout le reste pèse fort peu. Ces motifs d’ordre pratique ne sont en rien méprisables ; nous avons assez souffert en France de la magnificence de Louis XV, jaloux de traiter « non en marchand, mais en roi. » Les Espagnols, sans rien abdiquer de leur sympathie pour don Quichotte, aiment maintenant à raisonner, dans le courant de l’existence, comme Sancho Pansa. Ils y sont d’autant plus encouragés que ces raisonnemens les portent vers des peuples avec lesquels, malgré les vicissitudes de l’histoire, leur amitié nationale est le plus naturelle. Entre l’Espagne et la France, la communauté intellectuelle est certaine ; notre littérature classique, jadis, a beaucoup emprunté aux auteurs espagnols, et nous sommes maintenant, en matière de science, les inventeurs ou, tout au moins les interprètes auxquels nos voisins s’adressent le plus volontiers. Ces liens se resserreront à mesure que nous nous donnerons le mutuel plaisir de nous mieux connaître les uns les autres. L’Institut français de Madrid, inauguré en mars 1913, y contribuera, comme les initiatives universitaires plus anciennes qu’il continue en les renforçant, Coïncidant presque avec ces journées de fraternité intellectuelle, d’autres fêtes ont attiré à Barcelone les mutualistes du Congrès de Montpellier ; une mission économique française de publicistes et de négocians a été reçue, dans toutes les capitales espagnoles, par des démonstrations qui n’ont pas été simplement des rites de courtoisie ; l’objet qui est dans les vœux de tous, on l’a dit et répété, c’est un traité de commerce.

Le rapprochement sur le terrain des intérêts, si conforme aux inclinations des doux pays, comporte-t-il une alliance politique ?