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elle parvenait à se faire pardonner ses pires méfaits, en promettant de les réparer ; mais ses malheurs ne sauraient être invoqués pour sa défense. Tout au plus peut-on s’apitoyer au spectacle lamentable que nous donnent les vingt dernières années de sa vie, empoisonnées par les procès qu’elle eut à soutenir contre son frère et contre son mari pour défendre ses moyens d’existence, par l’indifférence dont elle était l’objet à la Cour et dans le monde, par l’oubli qui montait autour d’elle, par la misère qui la talonnait ; et encore est-il difficile de ne pas considérer ces malheurs comme une expiation méritée.

On doit croire, au surplus, qu’elle avait fini par les accepter ainsi, quand on la voit attendre la mort dans le silence et la solitude d’un pauvre village des environs de Paris, ne cherchant de consolations que dans les pratiques religieuses rigoureusement observées. Un prieuré bénédictin abandonné fut le dernier et modeste abri de l’opulente châtelaine de Dampierre. Elle y mourut, presque octogénaire, le 12 août 1679. Elle avait elle-même dicté l’épitaphe suivante qu’on inscrivit sur sa sépulture : « Ci-gist Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, fille d’Hercule de Rohan, duc de Montbazon. L’humilité ayant fait mourir depuis longtemps dans son cœur toute la grandeur du siècle, elle défendit que l’on fit revivre à sa mort la moindre marque de cette grandeur qu’elle voulut achever d’ensevelir sous la simplicité de cette tombe. » Ne semble-t-il pas qu’entre les lignes de cette inscription passe un aveu de remords et de repentir ?

En 1627, au plus fort des intrigues ourdies par la duchesse de Chevreuse contre le cardinal de Richelieu et alors que, réfugiée à la cour du duc de Lorraine, elle s’efforçait, afin de faire échec au gouvernement de Louis XIII, de recruter des alliés pour le parti huguenot révolté contre l’autorité royale, naissait à Paris une enfant de laquelle on pourra dire plus tard qu’elle semble n’être venue au monde que pour égaler « le génie remuant » de son illustre devancière et marcher sur ses traces. Mariée deux fois elle aussi, d’abord au duc de Châtillon et ensuite au duc de Mecklembourg, Isabelle de Montmorency, cousine du Grand Condé et fille de François de Montmorency, comte de Bouteville, décapité le 23 juin 1627, en place de Grève, pour avoir contrevenu aux édits royaux sur les duels, a fait, comme Marie de Rohan, « beaucoup de bruit dans le monde. »