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il plaide coupable ; mais, en face des charges, il rappelle ce qui les atténue ; en confessant la vérité, il fait la part de la calomnie, visiblement animé du désir de nous convaincre que « sa cliente » n’a pas été aussi noire qu’ont voulu l’établir les accusateurs. Je n’oserais prétendre qu’il y a complètement réussi ; mais, au moins, nous démontre-t-il qu’elle ne fut pas plus coupable que la plupart de ses complices, que ses fautes furent des fautes de jeunesse et que les trente dernières années de sa vie, durant lesquelles, devenue, par son second mariage, princesse allemande, elle s’appliqua à servir les intérêts de la France, ne méritent que des éloges. Nous n’avons pas à décider si les services qu’elle rendit alors suffisent à la défendre contre les mauvais souvenirs de la Fronde et à l’excuser. Nous trouvons plus utile, pour caractériser l’effort de son savant historien, de constater qu’il nous la rend plus sympathique qu’elle n’était avant qu’il eût tenté de nous faire mieux connaître cette existence toute d’agitation, de conflits et d’intrigues dont le récit, attachant comme un roman, se déroule en marge des péripéties de la fin du règne de Louis XIII et de la minorité de Louis XIV.

Il n’y avait guère plus de trois mois qu’Isabelle de Montmorency était venue au monde lorsque son père périt sur l’échafaud. Il laissait une veuve de vingt ans et deux filles en bas âge ; la plus jeune était notre héroïne. Cette famille subitement privée de son chef allait bientôt s’augmenter d’un fils que Mme de Bouteville, quand son époux lui fut ravi, portait dans son sein, comme un dernier gage de l’amour de ce malheureux, et qui devait, sous le nom de maréchal de Luxembourg, léguer à la postérité un héritage de gloire. La jeune mère, après le drame affreux qui brisait sa vie, ayant quitté Paris pour aller cacher son désespoir dans son château de Crécy-sur-Oise, ses trois enfans y grandirent en liberté. Isabelle écrira plus tard : « Je n’ay point esté nourie à Paris, j’ay quasy toujours demeuré aux champs. »

Cette existence de recluse n’allait pas cependant sans relations avec la Cour. En 1635, dans un ballet enfantin qu’on y donne pour fêter le retour de Monsieur, on voit figurer Mlle de Bouteville dans le cortège juvénile qui se presse autour de Mlle de Montpensier. La fille de Gaston d’Orléans, comme la plu- part de ses compagnes, et comme « la petite Bouteville, » n’a pas encore huit ans. Elle apparaît, sous le costume de Minerve,