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REVUES ÉTRANGÈRES

UN RECUEIL DE LETTRES DE JOHN LOCKE


Lettres inédites de John Locke à ses amis Nicolas Thoynard, Philippe van Limborch, et Edward Clarke, publiées par MM. Henry Ollion et T. J-de Boer, un vol. 8°, La Haye, Martinus Nijhoff, 1913.


Publié sous un titre français, et composé pour une bonne moitié de textes français, le recueil nouveau de lettres de John Locke n’en a pas moins de quoi nous apparaître une œuvre essentiellement « étrangère : » et cela non seulement parce qu’aux lettres du philosophe écrites en français s’en joignent maintes autres en latin ou en anglais, mais aussi parce qu’il n’y a pas jusqu’à ces lettres françaises elles-mêmes qui n’exigent trop souvent, pour être comprises, une connaissance familière à la fois des mots et des tours de phrase anglais. Impossible d’imaginer, à ce point de vue, un phénomène « linguistique » plus étonnant ; et que si, d’une manière générale, les compatriotes de John Locke passent d’ordinaire pour être faiblement gratifiés du « don des langues, » j’ai l’idée cependant que l’illustre auteur de l’Essai sur l’Entendement humain portait en soi à un degré exceptionnel l’incapacité commune des hommes de sa race à s’abstraire de leurs habitudes « insulaires » d’expression et de pensée.


Je viens de recevoir le Dictionnaire Français de Richelet, — écrivait-il (en français) à son ami parisien Nicolas Thoynard, le 29 novembre 1680 ; — et si j’y emploierais tous les beaux mots qu’il contient, je ne pourrais pas assez exprimer la reconnaissance que j’ai pour votre amitié, dont je reçoive de si grandes marques de tout moment. Il m’était rendu après que j’avais écrite ma lettre ; et le peu que je l’ai consulté il me semble avoir trouvé le vrai secret de faire un bon dictionnaire, parce que la manière ordinaire de