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les partage pas : et je suis en cela comme votre oncle Etienne Karolyi avec lequel nous avons chanté une longue antienne... en votre honneur, pendant la halte à Tornocz. Adieu, miltosagos Grofné, pardonnez-moi l’épanchement de ma gratitude, en vous rappelant que vous m’avez beaucoup gâté jusqu’à présent et que je ne suis pas du tout habitué à l’être.


P. S. — Ma femme se réserve de vous écrire de son côté pour vous dire combien elle vous remercie. Dites, je vous prie, à Madame votre belle-mère[1], combien j’ai été heureux de la retrouver si aimable et si maternelle pour moi. Je suis aussi enchanté d’avoir fait la connaissance de Madame votre belle- sœur[2] que je regarde comme une compatriote, puisqu’elle a vécu plus longtemps en France qu’en Hongrie.


Paris, ce 30 juillet 1861.

« Miltosagos Grofné ! » J’ai beaucoup couru, beaucoup vu, beaucoup éprouvé depuis que vous avez disparu de mes yeux, le 25 juin dernier. J’ai reçu partout un accueil très bienveillant, et j’ai rencontré sur ma route une foule de personnes et de choses qui m’ont vivement intéressé. Mais croyez-le, chère Comtesse, rien, ni personne n’a affaibli l’impression que j’ai emportée d’Appony. Combien je voudrais que, de votre côté, il en fût quelque peu de même, et que cet intérêt affectueux dont vous m’avez comblé et dont votre lettre du 28 juin garde encore la trace, ne s’efface pas avec le temps. Pour moi, à Paris comme à Cracovie, à Dantzig ou à Berlin, je suis encore sous le charme de ce que vous avez été pour moi pendant ces trois jours si doux et si mémorables de mon séjour chez vous. J’avais tellement le sentiment d’être en quelque sorte sous la garde et la protection d’un cœur sincère et dévoué, et ce sentiment est si rare dans la vie, que je voudrais pouvoir en garder à jamais le souvenir et vous répéter sans cesse : sub umbra alarum tuarum.

Si quelqu’un lisait ce que je vous écris là, il dirait sans doute : « Mais quel besoin un homme de l’âge de M. le Comte de

  1. La comtesse Antoine Apponyi, veuve de l’ambassadeur d’Autriche-Hongrie à Paris
  2. La comtesse Marie, fille d’Antoine et de Thérèse Apponyi, qui épousa en première noces le comte Albert Esterhazy et en seconde noces le baron Victor Wenkheim.