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les soins de sa jeune royauté auxquels Marie-Antoinette donne la première place : « La Reine, écrit-il le 2 juillet, est maintenant tout occupée d’un jardin à l’anglaise, qu’elle veut faire établir à Trianon. » Et le 31 juillet : « Le Roi a donné des ordres pour que l’augmentation d’un terrain à entourer de murs, ainsi que tout ce que peut désirer la Reine relativement à cet établissement, soit exécuté avec la diligence et le soin possibles. » Ce n’est là qu’une des marques nombreuses de l’empressement du Roi, qui frappe si agréablement les contemporains au début du règne, et dont Marie-Antoinette sait qu’elle peut user à sa fantaisie. L’ambassadeur ajoute un détail, qui a de l’importance dans ce récit : « Les plans ont été formés par un comte de Caraman, officier général qui a beaucoup de goût et qui a fait arranger un jardin en ce genre attenant à son hôtel à Paris. La Reine a voulu voir ce jardin, et cela a été l’objet d’une promenade que Sa Majesté a faite en ville. » Cette promenade mérite de retenir l’attention, car elle achève de fixer les destins du Trianon nouveau.


Victor-Maurice de Riquet, comte de Caraman, ancien chambellan du roi Stanislas, maréchal de camp depuis 1761, était un de ces officiers généraux, assez nombreux au XVIIIe siècle, qui utilisaient les loisirs de leur carrière à acquérir des connaissances abondantes et pratiquaient avec supériorité quelque art ou quelque science. Le prince de Ligne le prend fort au sérieux comme jardinier, loue à Paris ses plantations à l’anglaise « dans le meilleur genre, » et regrette aimablement qu’il manque d’eau pour celles qu’il fait à Roissy. Le comte de Caraman joignait à une véritable compétence, dans les études qu’il avait choisies, les manières les plus parfaites et le ton de la Cour. Son hôtel (qui est aujourd’hui l’hôtel de La Rochefoucauld d’Estissac) était situé dans la rue Saint-Dominique-Saint-Germain, proche l’esplanade des Invalides. Son nom n’était point inconnu à la Reine, lorsqu’elle songea à l’honorer de sa visite. Les mémoires encore inédits de ce gentilhomme montrent qu’il s’était empressé de lui communiquer des plans, dès qu’on avait parlé du Petit-Trianon, et le comte de Noailles présenta son premier dessin, qui fut trouvé fort séduisant. La Reine, écrit M. de Caraman, « avait bien voulu me donner la direction de son jardin de Trianon et approuver à Marly, ainsi que le Roi, le