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affreuse, et tous ces airs de tremblemens de terre sont de fort mauvais airs. » Elle rejette un parc de moutons « à la chinoise » et un ermitage avec sa cloche ; elle néglige surtout de parti pris, à la grande surprise de Mique, qui en a pris l’idée aux châteaux du roi Stanislas, le salon hydraulique formé de pilastres et de colonnes d’eau jaillissante, où l’on eût respiré l’air frais pendant les grandes chaleurs. Ce qui sera conservé témoigne d’un goût irréprochable. C’est d’abord un temple de l’Amour, substitué heureusement au temple ruiné, et conforme au précepte de Ligne : « Les temples doivent inspirer la volupté. » Puis vient un rocher artificiel, d’où sortent des cascades, à la vérité assez menues : « Si l’on veut tirer beaucoup de parti d’un petit volume d’eau, écrit encore le prince, qu’on fasse un rocher ; l’eau en y circulant, se reproduisant plusieurs fois et s’opiniâtrant à vaincre les petits obstacles qu’on lui opposera, fera plus d’effet que les plus belles cascades de l’Italie. » Il doit y avoir enfin un belvédère, construit sur une des collines bordant le lac et d’où l’on embrassera l’ensemble de la composition.

Pour ces divers projets, l’architecte fit établir des modèles en relief très minutieux, où tous les détails apparaissaient avec précision. C’était un usage qui remontait au temps de Louis XIV, et qui permettrait de se rendre compte de l’effet attendu et des défauts à éviter dans l’exécution. Le modèle du temple et celui du belvédère présentés à Marie-Antoinette devaient être des objets charmans, qu’on regrette de n’avoir pas conservés ; dans le premier, les colonnettes de bois portaient des chapiteaux modelés en cire ; celui de la montagne et du lac formait un petit paysage complet, où les eaux, parmi les buttes en miniature, étaient imitées avec des morceaux de miroir, les arbres et les gazons avec de la laine, de la raclure de corne teinte en vert et de la mousse. Aussitôt approuvé par la Reine, le travail commença par le lac, puis par le Temple de l’Amour,


Le charmant édifice, dédié à la divinité du siècle, s’éleva au milieu de la grande île, que deux ponts reliaient aux pelouses. Il fut inauguré lors d’une fête que la Reine offrit au Roi, le 3 septembre 1778. C’est une colonnade ronde de douze fûts corinthiens, en marbre blanc, supportant un entablement décore de rinceaux fleuris et une coupole en pierre de Conflans. Le pavé est à compartimens de marbre blanc encadrés de marbre