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Mme de Balbi dans son jardin de Versailles, qui existent encore. Des roches couvertes de mousse en révèlent les approches ; mais on a quelque peine à en découvrir l’accès. On y retrouve cependant les arrangemens essentiels, qu’indiquent à notre curiosité certains recueils de dessins sur Trianon commandés par Marie-Antoinette : l’entrée basse auprès de laquelle tombe une petite cascade, l’emplacement du banc de mousse où l’on ne risque point d’être surpris, car une baie pratiquée dans le rocher laisse voir les arrivans, enfin l’étroit escalier d’une dizaine de marches donnant accès au-dessus de la butte et permettant de se dérober par la fuite aux indiscrets. Voilà des détails ingénieux, usités en bien d’autres grottes et qui montrent que l’architecte a pensé à tout ; mais ils ne sont pas sans donner matière aux médisances, qui visent tout ce que la Reine fait à Trianon.

Posé au bord du lac sur le plus haut point de la colline, le Belvédère clôt à merveille le paysage. Il domine l’embarcadère où des bateaux légèrement pavoises, menés par des matelots du Grand Canal, conduisent les compagnies pour un simulacre de navigation ou quelque essai de pêche à l’entrée de la rivière poissonneuse. On y doit monter, si l’on veut embrasser d’un coup d’œil les mouvemens heureux du terrain et les bouquets d’arbres espacés pour guider le regard jusqu’à la rotonde du Temple. Le Belvédère est un petit édifice octogone élevé de quelques degrés, que gardent quatre couples de sphinx de pierre. Ces sphinx, aux visages de femme, sont de délicats morceaux de sculpture ; ils varient leur sourire, les uns sous des cheveux nattés et couronnés de fleurs, d’autres sous une coiffure de roseaux ; un groupe est drapé à l’antique, et le quatrième seulement, couvert d’une housse à glands, se trouve coiffé « à l’égyptienne. » Les sculpteurs de la Reine l’ont orné avec soin et de beaux bas-reliefs y évoquent les Quatre Saisons.

L’intérieur est pavé d’une mosaïque de marbre bleu-turquin, rouge, vert et blanc-veiné. Le dôme est un ciel parcouru de légers nuages et d’amours jouant avec des fleurs. Le décorateur Le Riche termina en 1781 les peintures qui couvrent les murs revêtus de stuc. Des trépieds alternent avec des tables et portent comme elles des coupes de forme élégante ou de riches brûle-parfums ; d’aimables fantaisies y sont mêlées : ici, un écureuil grignote des fruits ; là, un singe essaie d’atteindre des poissons dans un vase de cristal. L’artiste a disposé çà et là un