Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaires politiques de la Hongrie, sous prétexte que les journaux me tiendraient suffisamment au courant. Il est vrai que je reçois assez exactement le Pester Lloyd et de temps à autre la Gazette de Presbourg, quand la police napoléonienne ne la retient pas. Mais tout cela ne vaut pas le témoignage d’une personne du pays, surtout quand cette personne est d’une opinion contraire ou au moins différente : on a toujours besoin d’être éclairé, surtout en politique, par les avis indépendans et différens du sien.

Nous ne sommes pas, vous et moi, tout à fait du même avis sur l’Autriche et la Hongrie. Quant à moi, je vous jure que je ne suis nullement l’adversaire systématique de l’Autriche : loin de là, je me suis souvent dit que, si Dieu donnait aux hommes le droit de choisir ici-bas la mission la plus conforme à leur inclination, ou à leur orgueil, moi j’aurais choisi une grande position en Autriche, parce que je ne sache pas de pays où il y ait plus de bien à faire et un bien plus facile ; le respect traditionnel des peuples de ce vaste empire pour l’autorité héréditaire rendant d’autant plus naturel et plus obligatoire le respect de l’autorité elle-même pour les traditions nationales. La diversité extrême des diverses races soumises à la maison de Habsbourg préservait la monarchie de cette odieuse centralisation bureaucratique et démocratique qui est le fléau des États modernes. Les gracieux souvenirs de Rodolphe de Habsbourg, de Ferdinand H, de Marie-Thérèse, de l’Archiduc Charles suffisaient et au delà pour nourrir l’amour-propre naturel des sujets de l’Empereur, sans exclure aucune des gloires spécialement chères à la Hongrie ou à toute autre nationalité : historiquement, géographiquement, socialement, et surtout religieusement, l’empire d’Autriche me semblait être, à l’avènement de l’empereur actuel, dans une situation plus avantageuse qu’aucun autre pays de l’Europe. Mais cette situation est, je le crains bien, irrémédiablement ruinée par les fautes inexcusables du gouvernement. Je ne prétends pas que les Hongrois soient irréprochables, tant s’en faut : mais je conçois parfaitement qu’ils ne veulent pas se fier à un souverain qui, jusqu’à présent, ne leur a donné aucun gage de sécurité, et qui les promène successivement de l’absolutisme pur et simple du système Bach-Schwarzenberg à la bureaucratie parlementaire de Schmerling, au lieu de faire comme son aïeule Marie-Thérèse et d’en appeler au cœur des