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violets, c’est-à-dire qu’ils voient ces rayons auxquels la rétine humaine est complètement aveugle, et qu’ils fuient les endroits éclairés par eux. M. et Mme Victor Henri ont en outre découvert récemment que, sous l’action de ces rayons certaines espèces de petite taille, et notamment ces petites crevettes d’eau douce qu’on appelle les cxjclops et qui n’ont qu’un ou deux millimètres de longueur, présentent des réactions très nettes et aussi constantes que celles d’un appareil de physique parfaitement gradué. En étudiant le mécanisme de cette excitation ultra-violette chez ces animaux, M. Victor Henri et M. Larguier des Bancels ont obtenu des résultats qui nous ouvrent des horizons remarquables sur le mécanisme de la mémoire et de plusieurs autres facultés psychiques, et apportent un argument nouveau aux idées de Loeb, dont nous avons parlé récemment et qui assimilent les plus hautes facultés de l’âme au phototropisme. Nous y reviendrons quelque jour.

En ce qui concerne l’homme, l’ultra-violet a des effets physiologiques variés dont les plus redoutables sont sans conteste ceux qu’il produit sur l’œil. On a cité des expérimentateurs qui, pour avoir regardé quelques instans, sans précautions, des lampes à vapeur de mercure, avaient perdu la vue. Chose remarquable, cette action nocive de l’ultra-violet, comme d’ailleurs en général les effets abiotiques de ce rayonnement, ne se produit d’une manière marquée que pour les rayons de longueur d’onde inférieure à 0, 29 μ, c’est-à-dire à partir de la limite de l’ultra-violet solaire, tel qu’il nous parvient après la traversée de l’atmosphère. Leibnitz n’eût pas manqué de voir là une harmonie préétabUe. Nous dirons plus simplement que c’est sans doute un effet naturel de l’adaptation progressive des êtres à la lumière du jour. Malbeureusement, cette adaptation n’existe pas encore pour les sources artificielles de lumière, bien plus riches en ultra-violet, et c’est ainsi que se produisent des accidens variés qu’un éminent ophtalmologiste français, M. le professeur Terrien, a étudiés et discutés avec beaucoup de finesse. La série des troubles causés par beaucoup de lampes électriques employées sans précaution, comme aussi dans certains cas, lorsqu’une étincelle électrique éclate inopinément près des yeux, dans le cas de court-circuit par exemple, cette « ophtalmie électrique, » comme on l’a appelée, produit des effets complexes : des réactions inflammatoires avec rougeur et gonflement des paupières, et de la conjonctivite très tenace, des troubles fonctionnels (éblouissemens, diminution de l’acuité et du champ visuel), des troubles nerveux variés dont les plus fréquens sont les névralgies.