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femmes et de jeunes filles, et imprime la sanction de la loi aux instincts les plus dépravés et les plus cruels de l’humanité déchue ! Vous n’avez, hélas ! que trop de complices, même dans le clergé, en Amérique et en Europe. Et c’est là précisément ce qui est affreux, ce qui crie vengeance au Seigneur. D’où vient ce douloureux et cruel mystère ? De l’esprit détestable qui, depuis trois siècles, identifie presque partout le catholicisme avec les abus et le despotisme dont l’esclavage américain était la forme la plus révoltante ! De cet esprit que j’ai signalé et qui, dans notre siècle, a enrégimenté follement les catholiques du côté des Turcs contre les Grecs, des Hollandais contre les Belges, des Russes contre les Polonais. Vous êtes trop jeune pour avoir vu comme moi tout le clergé, dans presque toute l’Europe, depuis le pape Grégoire XVI jusqu’au moindre de nos curés, pour l’empereur Nicolas contre l’infortunée Pologne ! Ils ont heureusement changé depuis lors, et ils devraient profiter de cette leçon pour ne pas se laisser toujours entraîner instinctivement du côté des tyrans. Pardonnez, chère amie, à mes cheveux blancs la vivacité de mon langage. Je ne vous aurais rien dit de ce sujet, si je n’étais pas sans cesse préoccupé de ce que vous appelez si bien la grande mission que vous avez à remplir, celle de former des hommes, celle d’élever pour Dieu et pour la société deux nobles jeunes gens destinés à honorer leur nom et leur patrie.

Nous serons heureusement bien plus d’accord sur la Hongrie. Je suis ravi de tout ce qui s’y passe, depuis la Patente du 20 septembre, ravi de voir l’Empereur entrer dans la voie de la conciliation et de la justice, ravi surtout de voir que la grande majorité des Hongrois semble vouloir répondre aux intentions sages, paternelles et vraiment libérales de leur souverain. Tous les détails que vous avez eu la bonté de me donner à ce sujet m’ont extrêmement intéressé et consolé. Je puis dire que mon cœur est sans cesse avec ma pensée en Hongrie, tant je désire que tout y marche bien et que l’union de la couronne avec la nation vienne donner un démenti éclatant à la vieille bureaucratie absolutiste des Metternich et des Schwarzenberg, comme aux mauvais révolutionnaires qui détestent la maison de Habsbourg uniquement, comme vous le dites très bien, parce qu’elle est catholique et ancienne. Si tout marche bien, comme je l’espère passionnément, je serai tente de faire une nouvelle pointe en