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qu’on lui offrait en compensation, et reprit à l’automne de 1868 une indépendance qu’il ne devait plus abdiquer[1].

Cette détermination était d’autant plus méritoire qu’elle émanait d’un chef et d’un père de famille. Résolu de longue date à fonder un foyer, Paul Thureau-Dangin avait écarté plusieurs projets trop distans de l’idéal que s’était forgé son austère et enthousiaste jeunesse. Il s’était laissé devancer par la plupart de ses contemporains, et commençait à envisager la décourageante alternative du célibat indéfini ou du mariage de raison, quand une rencontre toute fortuite, chez son ami Horace Delaroche-Vernet, le mit en présence de la fille d’un très grand artiste, qui avait restitué sa dignité primitive au noble métier de graveur. Frappé moins encore de l’harmonieuse et classique régularité des traits de Mlle Louise Henriquel que de l’expression de vaillance et de sérénité qui rayonnait de sa physionomie, il rentra songeur rue Garancière. De très franches explications entre les deux jeunes gens leur permirent de constater la similitude de croyances, de sentimens et de goûts sans laquelle l’un pas plus que l’autre n’aurait admis d’inclination sérieuse, ni de bonheur durable. Contractée en 4865, scellée par près de cinquante années de joies et de deuils, de soucis et de succès mis en commun, leur union devait être une preuve, entre quelques autres, de ce qu’en dépit du blasphème de La Rochefoucauld, il y a de loin en loin des mariages « délicieux. »


II

Dans les derniers temps de son séjour au Conseil d’État, Paul Thureau-Dangin avait apporté une collaboration intermittente et forcément anonyme à un nouveau journal, le Français, fondé sous l’inspiration d’Augustin Cochin, et dont son ami Beslay était le rédacteur en chef ou le directeur. Après sa démission, il accepta de rendre cette collaboration ostensible et régulière : son premier article signé parut le 12 janvier 1869. Dans sa pensée, il ne devait s’agir que d’une occupation provisoire, destinée à tenir ses facultés, en haleine en attendant l’entrée dans la

  1. Il se déroba en janvier 1870 aux ouvertures assez vagues qui avaient pour objet le secrétariat général du ministère de l’Instruction publique ; il refusa en 1871 la préfecture de la Loire, et en 1875 celle de Meurthe-et-Moselle.