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Accédant avec joie à cette requête, le Pape ne tarda point à octroyer la pourpre à Newman. Accueilli à Rome avec les plus délicates prévenances, comblé d’ovations par ses compatriotes, fêté notamment dans cet Oxford d’où il lui avait fallu jadis s’exiler comme un renégat, le vieillard n’eut qu’un regret : c’est que l’affaiblissement de ses forces ne lui permît point, au retour d’Italie, d’aller à Munich, conjurer Doellinger de rentrer dans l’unité catholique. Quand le fracas des applaudissemens se fut apaisé, il reprit avec bonheur sa vie de reclus à Birmingham, et se prépara par un redoublement de ferveur à la mort qu’il sentait proche. Sur son cercueil, son ancien contradicteur Manning voulut éloquemment résumer tout ce que lui devait le catholicisme anglais.

Conquis par la géniale et si personnelle figure de Newman, l’historien n’en a pas moins rendu justice aux rares qualités de gouvernement de Manning, au désintéressement qui présida à sa conversion, à l’importance de son œuvre comme chef de l’Église catholique d’Angleterre^ à la touchante et généreuse évolution qui lui fît, sur ses vieux jours, accorder une attention croissante aux revendications sociales de la classe ouvrière, si bien que ce qu’on remarqua le plus à ses obsèques, « ce fut la prodigieuse multitude d’hommes du peuple, travailleurs ou même misérables de toutes sortes, qui suivit le cortège, de l’église au cimetière, ou fit la haie le long des rues, tous, — catholiques, protestans, socialistes, — s’inclinant ou même s’agenouillant au passage du corbillard, pour témoigner de leur reconnaissance et de leur respect envers celui qui les avait aimés et servis. »

Le succès de la Renaissance catholique en Angleterre s’affirma d’emblée plus étendu que celui de l’Histoire de la monarchie de Juillet. Si le sujet pouvait en effet paraître plus sévère, moins varié, moins familier au lecteur français, il revêtait d’autre part cet intérêt permanent qui s’attache aux angoisses des âmes en quête de la vérité absolue, aux crises et aux conflits d’ordre religieux. Œuvre d’un croyant qui ne dissimulait point ses convictions, le livre, par la gravité souvent émue du ton, par la modération des jugemens, par le respect dont il témoignait pour la liberté des consciences, avait de quoi plaire non seulement aux catholiques, mais à tous ceux (et le nombre en va croissant) dont l’attention ne se détourne point des problèmes d’ordre moral.