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convocation d’une nouvelle assemblée primaire... et attendu que les autres reproches faits audit sieur Joubert sont sans fondement ou suffisamment détruits, » l’élection de Joubert est maintenue[1].

Voilà Joubert décidément juge de paix à Montignac. L’opposition dut continuer quelque temps, comme en témoigne la nouvelle réclamation tentée, le 11 janvier suivant, par Waurillon de la Bermondie. Mais, après la décision du directoire départemental, l’affaire était finie.

Il est à remarquer, dans tout cela, qu’en 1790, après sa longue absence, Joubert, à Montignac, n’était plus guère connu. Avec malveillance, les adversaires de son élection l’appellent « un certain Joubert, » comme si l’on ne savait pas trop qui ce pût être, voire « un prétendu Joubert, » comme si l’on n’était pas sûr qu’il existât le moins du monde ; ne le confondait-on pas avec l’un ou l’autre de ses frères ?... Cependant il fut élu ; son élection, accueillie avec beaucoup de faveur. Ce beau résultat, c’est évidemment sa famille, et surtout Boyer, qui l’obtint. Mais on peut croire qu’en outre il fut aidé par le fait de sa qualité parisienne. Mme Joubert, dans sa réclamation, ne manque pas de noter qu’il habite depuis seize ans (elle se trompe, ou bien elle exagère, de trois ans) la ville de Paris. Les lois et toutes les nouveautés attrayantes venaient de Paris : on fut sensible à ce parisianisme d’un garçon qui viendrait aussi de là-bas pour être juge de paix à Montignac. Cela me semble attesté par un article qui, le mercredi 5 janvier 1791, célébra, dans le Journal patriotique du département de la Dordogne, « la dignité et l’élévation » du choix fait par Montignac : « Une petite ville s’est éminemment distinguée par le choix qu’elle a fait de M. Joubert cultivant à Paris depuis quinze ans la littérature, la philosophie et les arts. Historien profond et aussi sage qu’éloquent moraliste, ce citoyen est connu par son patriotisme et sa modération, par les préférences qu’il a données à la philosophie sur la fortune dans le temps des anciennes places, par ses liaisons avec les grands hommes passés qui ont influé sur la révolution, par l’estime qu’il a inspirée aux écrivains célèbres à qui il a fait part de ses travaux et surtout par son peu d’empressement pour une célébrité qu’il a mieux aimé mériter qu’obtenir,

  1. Registre des délibérations du directoire du département de la Dordogne (Archives de la Dordogne. L1, fol. 142, V° et 143).