Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Département reçut la délibération du district. Mais il avait beaucoup à faire, pour la rentrée des impôts, et mille choses ; puis, à Périgueux, les exploits de Barbefine et de Cailloud n’excitaient pas les imaginations comme au bord de la Vézère ; puis il y a, même au début des révolutions, des jours où la vertu est priée d’attendre. Le Département n’examina que le 26 mai la délibération du district. Il l’approuva. Il prit en considération le « civisme » des sauveteurs ; et, « vu leur peu de fortune, » il voulut récompenser leur dévouement « de manière à satisfaire leur patriotisme » et aussi « leur intérêt. » Il décida « que la commune de Montignac serait extraordinairement assemblée aux jour, lieu et heure indiqués par le conseil général afin qu’en présence de tous les citoyens, et au nom de la patrie le nommé Grangier reçoive des témoignages de la reconnaissance que doit la patrie à ceux de ses membres qui exposent leur vie pour lui conserver des citoyens, et le nommé Cailloud des éloges de sa bonne volonté qu’il a si ouvertement démontrée pour le même sujet ; qu’il serait fait un procès-verbal qui contiendra non seulement le narré de l’action des nommés Grangier et Cailloud, mais encore la description de la cérémonie ci-dessus ordonnée... » Une copie pour Grangier, une autre pour Cailloud et une autre pour le Département, qui la communiquera à tous les districts. Tout cela, pour satisfaire le patriotisme des sauveteurs. Quant à leur intérêt, le département consentait à leur donner de l’argent, oui, mais « à titre de secours et a raison de leur pauvreté, non comme récompense, » car « ces belles actions ne doivent jamais être récompensées avec de l’argent. » Le principe posé ainsi, la « charité » mise à sa place, le Département grattait un peu sur la générosité du district ; il diminuait Cailloud principalement : Barbefine aurait quatre-vingt-trois livres, et Cailloud vingt[1].

Le conseil général de la commune de Montignac fut convoqué en séance extraordinaire le 8 juin. Et il arrêta ce qui suit : « Le mardi 14 du courant, troisième fête de la Pentecôte, à l’issue des vêpres, la municipalité et les notables réunis partiront de la maison commune avec le nommé Grangier dit Barbefine et Cahiou dit Lachenaux et se rendront, au son du tambour et environnés de la garde nationale, dans l’église

  1. Archives de la Dordogne, L. 3, f° 48.