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résignait mal ; Montignac attendit et guetta l’occasion de faire pièce à son rival[1].

L’occasion ne se présenta que deux années plus tard, lors du renouvellement des tribunaux, le 20 septembre 1792. Les électeurs, « en vertu des pouvoirs reçus de leurs commettans, » arrêtèrent que le tribunal serait irrévocablement fixé à Montignac. Le directoire du district les approuva, considérant que l’Assemblée nationale avait affirmé la souveraineté du peuple. Donc, le peuple, assemblé en collège électoral, était souverain ; et Terrasson « heurtait de front la souveraineté du peuple. » C’était opposer à la Constituante la Convention ; c’était assez habile. Terrasson passa outre, convoqua les juges. Mais le district cassa cette convocation[2].

Le 20 octobre, la querelle prit un caractère aigu. La municipalité de Terrasson envoya au district un nommé Chalard qui, sur les quatre heures du soir, se présenta, porteur d’un message énergique. Le directoire pria l’un de ses membres, le citoyen Sorbier, d’étudier le message et de composer un rapport. Là-dessus, Chalard « s’échauffe ; » il exige une décision « dans la minute. » On l’invite à observer que le problème est important et veut au moins un court délai. Il sort ; et, à cinq heures et demie, il envoie au district un huissier faisant sommation de répondre. Le directoire répond qu’il répondra le lendemain. Le lendemain matin. Sorbier donne son rapport ; son avis, adopté, est remis au secrétaire, « pour l’expédier. » Chalard s’échauffe de nouveau. Il réclame son mémoire : avec la décision du district, son mémoire sera expédié au Département. Chalard prétend le porter lui-même au Département ; on le lui refuse. Il envoie encore l’huissier, cette fois chez le secrétaire du district. Le directoire écrit aux administrateurs du Département, avec une fausse douceur : « Les membres du directoire font volontiers le sacrifice de ce qui leur est personnel ; mais, revêtus des fonctions honorables d’administrateurs, il est de leur honneur et de leur devoir de maintenir la hiérarchie des pouvoirs et de ne pas souffrir qu’un individu soi-disant envoyé de sa municipalité vienne faire des actes tortionnaires tendant à violenter leurs délibérations, qui doivent émaner de la sagesse et de la tranquillité. » Il reproche à ce Chalard de n’avoir négligé « aucun

  1. Archives de la Dordogne, L. 516.
  2. Id. L. 518, n° 387.