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leur proposition a eu lieu au milieu d’une grande agitation. On s’est aperçu tout de suite que la question, qu’on croyait enterrée, ou du moins irrévocablement ajournée, ne l’était peut-être pas. Enfin le résultat a été proclamé : il a été favorable à l’inscription de la réforme entête del’ordredu jour. Ceux qui ont vu autrefois Lazare sortir de son tombeau n’ont peut-être pas été plus étonnés que ne l’a été la Chambre elle-même. À ce premier sentiment ont succédé aussitôt l’espérance chez les uns, l’irritation chez les autres. La discussion a commencé immédiatement, mais elle n’est pas encore assez avancée pour que nous en parlions. La Chambre a confirmé résolument ses votes antérieurs ; elle a condamné le scrutin d’arrondissement et décidé que les élections futures auraient lieu au scrutin de liste avec représentation des minorités ; mais comment cette représentation sera-t-elle assurée ? C’est sur ce point que la Chambre et le Sénat se sont divisés. On cherche un système transactionnel auquel ils pourraient se rallier tous les deux. L’a-t-on trouvé dans l’amendement Lefèvre que le gouvernement a appuyé et qui a été voté ? On ne le saura que lorsqu’il comparaîtra devant le Sénat. Mais il est sur que, si la question n’est pas résolue d’une manière satisfaisante avant le mois d’avril prochain, elle surgira à nouveau sur le terrain électoral et qu’elle y tiendra une grande place.

On pouvait croire que le pays, découragé par les résistances que la réforme avait rencontrées, avait provisoirement cessé de s’y intéresser : beaucoup le disaient avec une assurance qui faisait impression. Le pays se taisait, en effet ; il ne se livrait à aucune manifestation ; mais son silence ne prouve rien ; on ne sait ce que le pays pense qu’au moment des élections. S’il y a des gens, en tout cas, qui ont l’oreille assez fine pour entendre son silence, ce sont les députés, parce que, plus que personne, ils ont intérêt à ne pas se tromper sur ce qui s’y cache : s’ils ont voté comme ils l’ont fait, c’est qu’ils ont cru que c’était le meilleur moyen d’assurer leur réélection et, s’ils l’ont cru, il y a beaucoup de chances pour que ce soit vrai. Le pays tient donc à la réforme électorale ; il y tient parce que le régime actuel s’est déconsidéré auprès de lui par ses excès ; il y tient parce qu’on lui a dit de partout que le mode de scrutin actuel était détestable et que, à l’exception de quelques vieux braves, personne n’en a pris la défense ; il y tient enfin parce que, quoiqu’il n’ait pas encore été atteint dans sa prospérité matérielle, il sent venir les gros impôts. La majorité du Sénat s’était imaginée qu’elle avait, pour une fois encore, endormi ces inquiétudes ou discrédité le seul remède, qu’on avait