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Non. C’est la saison du Léman. Et puis une main perfide ne vous tient-elle pas éloignée de Paris ?… Je vous salue, madame, avec un respect et un dévouement sans bornes, comme c’est aussi le vœu le plus ardent de mon cœur, celui de contempler votre esprit dans vos yeux, et de l’entendre dans vos paroles.

À ce vœu ardent Mme de Staël répondait d’abord en l’invitant, lorsqu’il se rendrait à Paris, à faire un détour pour s’arrêter à Coppet. « Il me serait bien doux, lui écrivait-elle, d’y causer quelques jours avec vous. Pensez à cette idée, qui m’occupe beaucoup, et dites-moi si c’est un château dans les airs, ou bien si vous pouvez faire descendre ce rêve sur la terre. » Puis, dans une lettre postérieure, elle lui donne rendez-vous à Paris ou dans une campagne près de Paris où elle espère que Villers viendra la voir, et elle ajoute : « Savez-vous que j’ai fort envie de faire un voyage en Allemagne, et que, si vous y retournez, je pourrais bien concerter mon projet de voyage avec vous, indépendamment du désir que j’ai de connaître les hommes distingués de l’Allemagne. »

Le moment approchait où Mme de Staël allait, contrainte et forcée, entreprendre ce voyage en Allemagne qui, par certains côtés, la tentait. Nous avons vu qu’au mois de septembre elle était venue s’établir aux environs de Paris, avec l’espérance qu’elle serait autorisée à séjourner sinon à Paris, du moins dans le voisinage immédiat, peut-être à Saint-Ouen. Nous avons vu également qu’un ordre impérieux la força de s’éloigner. Ce fut alors qu’elle se résolut à mettre à exécution son projet de départ pour l’Allemagne. Ne sachant pas exactement quelle partie de l’Allemagne elle commencerait par visiter, elle comptait y pénétrer par Strasbourg qui était la route ordinaire. Déjà, elle avait donné à M. Necker le nom d’un banquier sous le couvert duquel il pourrait lui écrire dans cette ville. Mais apprenant que Villers, en route pour Paris, s’était arrêté à Metz, retenu par le désir de voir sa sœur, femme d’un président à la Cour, elle changeait brusquement ses plans et lui écrivait pour lui demander si elle était sûre de l’y trouver ; en ce cas, elle passerait par Metz « pour causer deux jours avec lui. » Vous voyez, ajoutait-elle, mon empressement à vous connaître, — et Villers de répondre sur-le-champ[1] :

  1. Archives de Broglie.