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rencontre eût été funeste aux pillards. La nuit facilitait souvent l’arrivée en des parages lointains, vers les pâturages bordant la rivière et que les Zaïan avaient de tout temps contestés aux Zaër. Les suggestions de la prudence en éloignaient maintenant les ennemis traditionnels des tribus ralliées. La vallée était déserte, et les tentes restaient juchées sur les plateaux du pays berbère où elles faisaient des taches presque invisibles au milieu des rochers gris. Mais les hurlemens des chiens, le bruit étouffé des pas dans la nuit dénonçaient aux douars ralliés l’incessante vigilance des troupes qui garantissait leur sécurité. Accoutumés par une résignation fataliste aux catastrophes imprévues, les indigènes s’étonnaient parfois de ces mouvemens insolites. « Pourquoi tant courir ? demanda un jour Fenniri, le caïd des Rouached. Tu ne trouves jamais personnel Si les ennemis viennent, tu le sauras toujours assez tôt ! — Fenniri, mon ami, répondit Imbert, si les Zaër vivent en paix, c’est parce que mes soldats sont toujours dehors ! »

En arrière, dans la zone du secteur depuis plus longtemps ralliée à la domination française, Merton et ses officiers faisaient de fréquentes tournées de police, afin de rendre effective l’adhésion jusqu’alors platonique dont on avait dû se contenter. L’exhibition fréquente des goumiers de la Chaouia, de leurs beaux uniformes, leur physionomies satisfaites et hun goussets bien garnis étaient, selon Merton, les plus sûrs moyens de propagande. Les Zaër écoutaient les récits fanfarons de ces guerriers qui avaient jadis si furieusement combattu les Français et qui depuis, franchement ralliés, les avaient aidés à les soumettre. Leurs jeunes gens enviaient les médailles commémoratives, les fines carabines, et sollicitaient déjà la faveur d’être admis dans une troupe si reluisante : « Il n’y a rien à faire contre les Roumis, disaient-ils à Merton. Vous avez « mangé » la Chaouïa, puis le pays Zaër ; vous irez « manger » à leur tour les Zaïan et les Tadla. Prends-nous donc avec toi, car nous sommes plus braves encore que les Chaouïa. » D’accord avec Imbert, Merton pouvait donc appliquer les circulaires qui préconisaient le recrutement local, et comblait avec les Zaër les vides produits dans son goum par les libérations ou les maladies. Les offres étant supérieures à la demande, il faisait sans peine des choix judicieux. Les familles les plus considérables étaient fières d’avoir un des leurs goumier à Sidi-Kaddour, et