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en faction au village fit coup double sur un groupe de maraudeurs qui venaient en reconnaître les abords. Puis, dans l’après-midi, des vedettes ayant signalé l’apparition de cavaliers suspects sur la lisière du plateau, Imbert entraînait dans une course folle une centaine de fantassins et la section d’artillerie jusqu’à l’origine d’un ravin énorme où Merton, Pointis, les goumiers et quelques partisans qui l’avaient précédé, faisaient un feu d’enfer. Il arrivait à temps. Au fond du ravin qui ouvrait un passage entre le Grou et le pays zaër, un parti de 300 ou 400 cavaliers se préparait à l’assaut du plateau. Les canons, défilés aux vues, avaient fait pleuvoir à bonne distance quelques obus sur cette masse compacte, qui se dispersait sans donner aux fantassins l’occasion de tirer un coup de fusil. Le lendemain, à la faveur du brouillard, la garnison renouvelait cette manœuvre avec un succès plus complet encore. La brume s’étant dissipée, du gigantesque balcon dessiné par le plateau, Imbert surprit à deux reprises des groupes nombreux qui se disposaient à franchir le Grou. Canonnés avec précision, ils se dispersèrent, emportant morts et blessés, sous les arbres et dans les ravins, et l’on put ensuite les voir disparaître en désordre par tous les sentiers qui montaient vers le pays zaïan. Au retour, sur le chemin du poste, malgré la fatigue, les soldats chantaient ; les fantassins jalousaient les artilleurs qui, seuls, avaient mis l’ennemi en déroute ; mais tous étaient ravis de ces aventures qui semblaient leur promettre, à brève échéance, des combats moins anodins.

Soudain, des cris se firent entendre dans le groupe de cavaliers qui précédait l’avant-garde. Les goumiers disparurent dans un vallon rocheux, talonnés par les partisans dont les chevaux couraient ventre à terre : « Ils ont peut-être vu un lièvre et ils s’amusent à le forcer... » dit Merton à Imbert intrigué. Mais, quelques instans après, on les découvrit rassemblés autour de trois piétons qu’ils invectivaient. Les goumiers brandissaient comme des trophées trois winchesters et des poches à cartouches bien garnies qu’ils avaient enlevés aux inconnus. Muets et farouches, ceux-ci fixaient au passage, d’un air de défi, les officiers et les soldats : « Que faisaient donc ces gens-là ? dit Imbert au gradé qui avait dirigé la capture. — Ils se cachaient dans les rochers. — Emmenez-les ; on fera l’enquête à Sidi-Kaddour. »