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le caractère exceptionnel, pour ne pas dire unique, du génie du maître de Mons ? Envers les Français du XVIe siècle, M. Collet témoigne plus d’indulgence, ou de condescendance. Il va même jusqu’à traiter de « manières de génies » un Costeley, un Claudin de Sermisy, un Clément Jannequin.

Mais surtout c’est pour les Italiens, y compris Palestrina, que se montre sévère l’enthousiaste, l’intransigeant, l’exclusif admirateur de l’ascétique Espagne. « Raphaël, Palestrina, ont été les grands destructeurs delà piété chez les fidèles. » A cette étonnante affirmation de Félix Clément, notre auteur assurément n’a garde de souscrire. Mais il rapporte et semble faire siens des jugemens tels que ceux-ci, portés par des juges espagnols, sur le maître de Préneste : « Palestrina, comme Orlande de Lassus, qui lui fut souvent comparé, n’a pas voulu, certes, travailler pour l’avenir ; mais, en cristallisant des formes destituées de leur âme, il étouffa la pensée chrétienne comme sous des coupoles arrondies et ouvragées. Ne conserva-t-il pas jusqu’à la fin des tournures de style auxquelles se reconnaît l’artiste « ingénieux » plutôt qu’ « inspiré ? » Ce n’est pas tout et, sur le même Palestrina, voici, pour le coup, l’opinion personnelle de M. Collet : « Il aborda tous les genres, et avec une égale maîtrise. Mais il est difficile de trouver, au sein de tant de parfaites beautés, r » expression mystique, » ce je ne sais quoi d’ineffable qui vient du cœur, le mouvement passionnel. Cette musique est impersonnelle : elle plane au-dessus de nos nécessités, elle ne veut pas émouvoir... L’ampleur, la pureté, la suavité en sont les qualités premières, mais non l’amour ardent, l’élan d’une foi qui espère... Il ne suffit pas d’être un artiste averti de tous les secrets de la technique pour écrire selon l’Église : il faut être encore ce « convaincu » et ce « saint » dont nous parlait naguère le vieil esthéticien Bonnet. » Ce « convaincu, » sinon ce « saint, » il semble bien, en dépit de tous les « vieux esthéticiens, » que Palestrina l’ait été. Rien que sa mort entre les bras de saint Philippe de Néri nous serait, à défaut de sa vie, un gage assez sûr de sa piété. Un Victoria peut l’emporter sur lui, comme sur tout autre, par la ferveur intime et intense, par le pathétique et la flamme sombre. Il est permis de trouver, dans l’œuvre générale de Palestrina, plus de sérénité, de calme, et parfois même quelque froideur. Mais parfois aussi quel éclat et quelle flamme ! Nous en attesterions volontiers certain Sanctus de la messe : Aeterna, chanté le 20 novembre dernier pendant l’office funèbre célébré à Saint-Germain-des-Prés par les soins des « Catholiques des Beaux-Arts, »à la mémoire des artistes défunts. M. Collet, distinguant les