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différentes écoles d’Espagne, nous parlera tout à l’heure de l’école valencienne, que M. Pedrell a qualifiée d’ « exultante. » On peut douter qu’elle ait rien produit de plus magnifique, de plus triomphant, que le Sanctus palestrinien. D’autre part, je veux dire dans un autre genre, tout intérieur, et cependant lyrique, émouvant, il suffirait d’un motet comme le célèbre : Peccantem me quotidie, pour assurer à Palestrina son rang, — l’un des premiers, — parmi les maîtres à qui l’on ne saurait convenir que l’ « expression mystique » a manqué


Aussi bien nous ne voulons ici que rendre au grand Italien ce qui lui est dû, sans rien enlever ou seulement disputer aux Espagnols de leur maîtrise éminente et jusqu’à présent trop ignorée. Autrement encore que par des chefs-d’œuvre, l’Espagne du XVIe siècle a servi glorieusement les intérêts de l’art religieux. La chapelle Sixtine, en ce temps-là, compta bon nombre de chanteurs espagnols. Des Espagnols prirent une part importante aux délibérations et aux décisions du Concile de Trente relatives à la musique. Enfin, si le chant grégorien put échapper alors à certaine révision officielle, qui le menaçait et risquait de le perdre, il dut son salut à la clairvoyance et à l’énergie d’un musicien d’Espagne, Infantas, que seconda la toute-puissante intervention de Philippe II.

En cette très catholique Espagne, plus catholique peut-être à cette époque-là que le reste de l’Europe, catholique du moins avec plus d’ardeur et d’exaltation, avec plus de répugnance aussi non seulement pour l’esprit de la Réforme, mais pour celui de la Renaissance elle-même ; en cette Espagne, patrie des Thérèse de Jésus et des Jean de la Croix, des Luis de Grenade et des Luis de Léon, surgit et fleurit une musique telle que peut-être jamais et nulle part on ne connut sa pareille. M. Maurice Barrès a dit encore : « On donnait alors, j’imagine, dans les églises de Castille, des morceaux écrits pour flatter le délire mélancolique du roi Philippe II… Ils valent, pour exprimer le cœur de l’Espagne, aussi bien que les peintures d’un Morales, d’un Zurbaran. » Rien de plus exact, et l’imagination de M. Barres ne l’a pas trompé.

Bien avant le XVIe siècle, qui fut le < siècle d’or, « on ne compta plus, dans l’histoire d’Espagne, les princes musiciens. C’est Alphonse VIII et plus tard Alphonse X, le Savant ou le Sage, l’auteur des célèbres « cantigas. » Rois d’Aragon ou de Castille, ces derniers surtout, par l’excès de leur amour pour la musique et de leurs prodigalités envers elle, allaient parfois jusqu’à provoquer l’inquiétude