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comique ; l’ogive jurera dans une façade rectiligne et scolaire, tel un diamant dans un pavé, et pourtant je l’ai encouragée, cette idée, touché de voir ces braves gens traiter sans dédain et même avec orgueil ces bondieuseries, en sentir vaguement la beauté… Je voudrais vous mènera travers cette campagne champenoise aux douces et sobres lignes. Sur le territoire de maintes communes, vous ne verriez plus que des socles de pierre où vous liriez l’O crux ave, Spes unica, une date et le nom de quelque humble donateur. Des tronçons de fer sortent encore du socle, attestant la rage imbécile des Barbares. Je ne fais pas de phrases, je ne suis pas croyant, mais je vous assure que je pleurerais devant toutes ces ruines. Que restera-t-il sur le sol de France, lorsque nous n’aurons plus la beauté des choses pour nous consoler de la bêtise des hommes, lorsque « ceci, » — la belle mairie en pierres blanches, — aura achevé de tuer « cela, » — le charme des derniers clochers pointant à travers les arbres… »

De tels sentimens vous mettent-ils en goût pour que nous poursuivions ensemble ce dépouillement de mon courrier ? Voici deux lettres qui m’apportent un argument sur lequel, à mon regret, je n’ai pas eu l’occasion d’insister.

« J’ai lu hier, dans l’Écho de Paris, votre émouvant article sur les églises de France et la phrase que vous citez : « Depuis que notre église est fermée, on vit comme des sauvages, on ne sait même plus quand c’est dimanche. » Combien ceci est vrai, et comment ce point de vue n’est-il pas plus souvent envisagé ? N’est-ce pas un argument de premier ordre pour la cause que vous défendez ? J’habite deux pays très différens, la Loire-Inférieure et l’Eure-et-Loir. Dans la Loire-Inférieure, tous vont à la messe et tous pour y aller revêtent les habits du dimanche. ! Le samedi, les femmes ont été occupées à empeser et à repasser leurs coiffes et les chemises des hommes. Le dimanche matin, la population féminine, soigneusement et joliment coiffée, coquettement vêtue, avec des raffinemens de propreté, la population masculine habillée de drap noir, tout le monde se dirige par groupes vers l’église. Je néglige le côté spirituel et fondamental de l’acte pour n’en retenir que le côté matériel : l’édifice, la cérémonie, les enfans de chœur, le prêtre en ses habits de soie et d’or, tout donne aux yeux une impression d’ordre et de beauté, à l’esprit une jouissance, au corps une délente. De toute