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maîtres de la Haute-Marne, tout au moins ceux que j’ai formés, ont appris à connaître et à aimer, comme des témoins vénérable de l’histoire locale, ces édifices religieux que vous voulez sauver de la ruine. Nous sommes disposés à vous donner un coup de main. »

C’est un gros appui qui nous arrive là, fortifiant l’approbation que déjà m’avaient donnée M. A. Gervais dans l’Instituteur français et M. Louis Ripault dans le Foyer à l’École. L’instituteur peut inspirer aux enfans le respect des vieilles pierres et puis, à la mairie, où le plus souvent il est secrétaire, il inclinera aisément le conseil municipal à la conservation de l’architecture religieuse. Double rôle, double utilité. Je m’empresse de répondre à M. Blanguernon :

« Merci, monsieur l’inspecteur. Le point capital, ce qui me frappe et m’enchante dans votre intervention, l’essentiel dont je vous remercie, c’est que vous placez la question des églises sur son véritable terrain. Ah ! que je vous suis reconnaissant de ne pas glisser au verbiage de l’art, de la beauté, des charmes du passé, toutes demi-vérités qui livrent au caprice l’immense foule des églises, et qui, finalement, serviront à les condamner plutôt qu’à les sauver. Vous allez droit au cœur de la question, en homme pour qui les préoccupations morales existent. Vous êtes un pédagogue, et tout naturellement vous considérez dans la vieille église, dressée au centre du village, sa valeur éducative. La vieille église vous intéresse pour ce qu’elle apporte à la formation de l’âme.

« La formation de l’âme ! C’est la grande affaire, une affaire qui importe à chaque individu et à la civilisation. Vous en êtes constamment préoccupé. J’ai lu vos articles, monsieur Blanguernon ; il en est un, entre autres, qui est bien touchant. Vous nous racontez la rentrée de l’école, le premier contact du maître et des enfans. Ces gamins, ces fillettes, visages offerts ou fronts murés, ingénuités, ahurissemens honnêtes, malices à l’affût, tout cela c’est l’avenir qui se présente, des cerveaux à ouvrir, des cœurs à échauffer. Et vous pensez tout haut : « Saurai-je mettre un dieu dans ces tabernacles de l’avenir ? » Bien des soins vous sollicitent : inscrire les noms des élèves, leur distribuer les livres, les cahiers, autant de menus détails que vous ajournez. Il faut que cette première heure soit libre, claire, qu’elle vous ouvre le chemin des cœurs. Vous le dites