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Que de batailles ont foulé ces rives, celle de droite, la Gourma, celle de gauche, la Haoussa ! Elles s’écartent à mesure qu’on avance vers cette capitale mystérieuse des vieux récits marocains, algériens et tripolitains. Les steppes et leurs herbes grasses à droite, les dunes et leurs arbustes rabougris à gauche, supportèrent le galop des cavaliers, les luttes cruelles des fantassins, et burent le sang de toutes les races soudanaises, numides, arabes, de nos soldats français. Peu de villages bordent le fleuve. La peur des carnages a chassé, loin dans les terres, les riverains Somonos, Bosos, Sorkos. Il n’en est point là pour contempler la sphère terne et rosée du soleil descendre dans les vapeurs du soir, ni pour lancer leurs filets dans les moirures jaunes, violettes et roses du fleuve. Pourtant l’odeur est suave qui se dégage des terres chaudes, qui se répand parmi le crépuscule orangé.

Les Peuhls du Fouta-Djallon qui fuirent l’islamisme des conquérans Toucouleurs, et vinrent ici, vers 1730, ne sont pas visibles, ni leurs troupeaux célèbres. Trop loin du fleuve, sans doute près les nombreux lacs qui abreuvent leurs animaux, dans l’Est, les Maures de Gourma tiennent leurs cours d’amour, et composent des poésies, sous le sceptre de la beauté, en buvant le thé dans leurs tentes de paillassons. On n’aperçoit nul des survivans qui, naguère, blâmés en vers avec leurs compagnons, pour leur nonchalance abandonnant aux Français l’empire du Niger, et négligeant de conquérir les bijoux, les étoffes, les parures nécessaires à leurs amies, prirent aussitôt les armes, puis vinrent se faire décimer par nos feux de salve, une strophe de femme aux lèvres.

A droite et à gauche, c’était ici, pourtant, l’empire peuhl du Macina, sous l’autorité de Sékou-Hamadou qui acheva de convertir à l’islamisme ceux d’ici. Il avait, en 1827, installé ses fidèles à Tombouctou, après avoir pris Djenné, conquis les vallées du Niger et du Bani, tout le delta.

Le vieux prophète accueillit, près de Sofara, El-Hadj-Omar. Celui-ci revenait alors de la Mecque avec l’investiture du Khalifa pour le pays du Soudan. Peut-être espérait-il déjà, par le bonheur de victoires constantes, étendre, jusqu’ici, la puissance de l’empire toucouleur, qu’il allait fonder sur les rives du Sénégal. Triomphe promis à cet enfant de Podor, par la prophétie de l’iman Youssouf lui ayant annoncé la domination sur